ANTOINE-GABRIEL JARS OU L'INVENTION DU CREUSOT  

 

 

ANTOINE-GABRIEL JARS (1732-1769)

OU L’INVENTION DU CREUSOT

 

 

 

       « C’en est à jamais fini de la fraîche vallée de la Charbonnière, avec ses prés verdoyants et son petit ruisseau si prompt à déposer sur ses rives, en croûtes rougeâtres, les dépôts salins dont les eaux de la mine essaient de le souiller. […] Le ruisseau sera comblé. La verdure va disparaître. Il faudra même arracher les vignes qui s’étagent à flancs de coteau. Les oiseaux ne trouveront plus ni arbres ni buissons pour cacher leurs nids. L’alouette sera chassée du ciel par les épaisses fumées de la fonderie. Les chants vont s’éteindre dans le fracas des lourds marteaux de forge. »

Jean Chevalier

 

 

Si les Schneider sont à l’origine de l’universalité sidérurgique du Creusot, ils n’ont pas fondé pour autant le destin industriel de la ville, nul ne peut l’ignorer aujourd’hui. Mais les nombreux historiens et commentateurs ne s’accordent guère, maintenant encore, sur la véritable paternité de cette fondation, autant attribuable aux « techniciens » (Delachaize, Wilkinson, Wendel) qu’aux « politiciens » (Bertin, Calonne, Vergennes) de la fin du XVIIIe siècle. A l’exception de Jean Chevalier, auteur d’une monographie sur les origines industrielles du Creusot, bien peu ont rendu au savant Gabriel Jars le mérite qui lui revient dès 1768, soit près de vingt ans avant la création de la Fonderie Royale, d’avoir reconnu la vocation industrielle de cette vallée un peu perdue au pied des premiers glacis morvandiaux, où s’était joué, il y environ 20 millions d’années à la suite du soulèvement alpin, le drame géologique qui a torturé et redressé les couches carbonifères déposées depuis plus de 300 millions d’années.   

Né à Lyon le 26 janvier 1732, Antoine-Gabriel Jars est le fils cadet du directeur des mines de cuivre de Chessy, dans le sud du Beaujolais, et de Sain-Bel, dans les monts du Lyonnais. Après des études au collège des Jésuites de Lyon qui lui assurent une solide culture générale, l’étudiant entre en 1751 à l’Ecole des Ponts et Chaussées fondée quatre ans plus tôt par Daniel- Charles Trudaine (1703-1769). Ce dernier, très ouvert aux sciences et techniques de son temps, forme un petit groupe d’élèves à « l’art » des mines. Parmi eux, Antoine-Gabriel Jars et Jean-Pierre-François Guillot-Duhamel (1730-1816), qui deviendra lui-même professeur à l’Ecole des Mines créée en 1783, se voient chargés d’une mission en Allemagne et en Europe centrale.

 

Après presque trois années (entre 1757 et 1759) consacrées à visiter les mines de ces contrées, Gabriel Jars est nommé inspecteur général des Manufactures ; en même temps, il poursuit l’exploitation familiale avec son frère aîné Gabriel (1729-1808) ; de plus, il est élu correspondant de l’Académie des Sciences en janvier 1761. Au cours des huit dernières années de sa trop courte vie, Antoine-Gabriel Jars va surtout consacrer l’essentiel de son énergie à faire introduire la houille dans les procédés métallurgiques, notamment pour la fabrication de la fonte et du fer.

 

LA REVOLUTION INDUSTRIELLE ET LES MISSIONS EUROPEENNES DE JARS

 

Pour apprécier à leur juste valeur les missions et travaux de Jars, il convient de les replacer dans l’environnement de la révolution industrielle. Depuis 1709, l’Anglais Abraham Darby (1678-1717) est  parvenu à produire de la fonte en incorporant du «coak» au minerai de fer et au charbon de bois, dans les hauts-fourneaux de Coalbrookdale, près de Birmingham. Le coke est obtenu par la distillation de la houille dans un four à l’abri de l’air, ce qui permet de l’épurer du goudron et de diverses matières volatiles. Ce nouveau procédé fait entrer l’Angleterre dans son âge d’or métallurgique (1750-1760).

 

 En France, les pouvoirs publics commencent à s’intéresser de près à ces questions susceptibles d’ouvrir de nouveaux débouchés économiques au pays. Henri-Léonard- Jean-Baptiste Bertin (1720-1792), d’abord contrôleur général des Finances, se voit confier en 1763 un secrétariat d’état un peu « fourretout » comprenant notamment la direction des mines. C’est à ce titre que Bertin fait appel à Antoine-Gabriel Jars pour de nouvelles missions : visiter les mines d’Ecosse et les hauts-fourneaux d’Angleterre (1764-1765), puis les mines de Liège, Hollande, Suède et Norvège avec son frère (1766).

Correspondant de l’Académie pour l’Encouragement des Arts à Londres, Jars favorise la libre circulation des idées entre ingénieurs anglais et français, et c’est de ce voyage qu’il va rapporter le « secret » de fabrication de la fonte au coke. Il est intéressant de relever quelques détails de l’ordre de mission qui lui est confié : « Il se mettra en pension dans un village voisin des mines de charbon ou d’étain, en une maison où l’on ne parle pas français, parce qu’il n’y a que ce moyen d’apprendre à prononcer l’anglais et à entendre ceux qui le parlent » ; il étudiera les règlements, le mode d’exploitation, l’organisation des compagnies, il s’informera « s’il est vrai qu’on emploie le charbon de terre cru aux fourneaux des usines » ; son attention doit aussi se porter sur les mines de plomb, d’étain, de cuivre, d’argent, les salines, l’élevage des moutons, la manière de fabriquer l’acier, l’huile de vitriol, les poteries, le minium, le papier, etc. ; « le sieur Jars observera surtout pourquoi l’industrie est poussée beaucoup plus loin en Angleterre qu’en France, si cette différence vient, comme il y a tout lieu de le présumer, de ce que les Anglais ne sont point gênés par les règlements et les inspections ». On lui accorde enfin une somme de 8 000 livres, en lui recommandant d’éviter « les tables d’hôtes servies à la française, qui coûtent fort cher »…

 

Les compétences acquises par Jars au cours de cette mission et les publications qui s’ensuivent lui vaudront une double reconnaissance : sa nomination d’inspecteur général des Forges, et son élection à l’Académie des Sciences en mai 1768 (conjointement avec le chimiste Lavoisier). Peu après, en août, il est appelé à s’acquitter d’une mission d’inspection en Bourgogne, Franche-Comté, Alsace, Lorraine et Champagne, et c’est à cette occasion qu’il se rend à la fin de septembre dans le vallon de la Charbonnière, près du Creusot, alors simple hameau de la paroisse du Breuil et de la châtellenie de Montcenis.

 

Sans être vraiment entrée dans l’ère industrielle, la région creusotine est le champ d’expériences innovantes. François Delachaize (1727-1805), subdélégué de l’intendant de Bourgogne pour le bailliage de Montcenis, commence d’exploiter méthodiquement, avec son associé Pierre-Rémi Jullien, les mines de houille dont il obtiendra la concession en mars 1769.

Toutefois, Jars constate que les mineurs « piochent » le charbon avec un outil inapproprié qu’il propose de remplacer par une sorte de pic ou « havée ». Il procède ensuite à une démonstration probante de fabrication de coke avec la houille locale.

 

 Par ailleurs, dans un souci de tirer parti des immenses forêts du pays, plusieurs seigneurs de la région se sont lancés dans des entreprises plus ou moins couronnées de réussite : flottage des bois sur la Dheune, création de forges. L’un d’eux, plus entreprenant, l’abbé Jean-Baptiste-Augustin de Salignac-Fénelon (1714-1794), seigneur de Saint-Sernin-du-Bois, s’entête à vouloir ranimer l’embryon de métallurgie créé au XVIIe siècle autour des petits gisements de minerai de fer du plateau d’Antully.

A cet effet, il a obtenu la concession d’une forge sur le Mesvrin dont il confie l’exploitation à un certain Jobert, originaire du Châtillonnais. La ruine de ce dernier dans son entreprise de flottage des bois sur la Dheune contraindra l’abbé de Fénelon à reprendre lui-même l’usine de Mesvrin à son compte (1774).

 

 

 Saint-Sernin-du-Bois. Ancienne forge de Mesvrin. Etat des lieux en    1881: au centre la maison du maître de forges (1769). 

 

          Jars souligne auprès de Delachaize et de Jullien tout l’intérêt du voisinage de cette forge pour utiliser le coke disponible au Creusot, l’idéal étant néanmoins d’envisager à terme l’implantation de nouveaux établissements plus importants sur place. La conclusion du rapport de Jars, adressé le 10 octobre 1768 au ministre Bertin et à Amelot du Chailloux, intendant des Etats de Bourgogne, après sa visite à la Charbonnière du Creusot, ainsi que le Journal de voyage daté du 15 décembre suivant, ont été scrupuleusement relevés par Jean Chevalier (Voir annexe).

 

L’année 1769 s’avère décisive pour l’application de la méthode anglaise en France : en janvier, Jars réalise la première coulée de fonte au coke dans la fonderie de Wendel, à Hayange en Lorraine ; en mars, il procède à l’emploi comparatif du charbon de bois et du coke pour fondre du minerai de cuivre ; l’expérience a lieu dans l’exploitation familiale avec la houille de Saint-Etienne : Jars en conclut que l’usage du coke permet un gain de temps et une économie d’argent. C’est malheureusement au cours d’une tournée d’inspection, analogue à celle conduite dans l’Est de la France l’année précédente, que Jars succombe le 30 août 1769 « des suites d’une insolation » près de Langeac en Auvergne.

 

 Si les travaux d’Antoine-Gabriel Jars restent connus grâce à leur publication en trois volumes par les soins de son frère sous le titre de Voyages métallurgiques (1774-1781), puis par leur réédition (1823), l’homme en revanche ne nous apparaît guère qu’à travers l’éloge qu’en fait le secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences le 25 avril 1770 : « Le caractère de M. Jars était doux et simple ; il vivait retiré et très sobrement ; […] sa conversation était gaie, surtout lorsqu’il parlait de ses occupations ; hors de là, il vivait absolument concentré dans son cabinet. […] Son âme était extrêmement sensible et toujours prête à s’attarder sur les malheureux qu’il soulageait aux dépens de son nécessaire ; en un mot, son caractère, ses talents et ses ouvrages font également regretter qu’il ait été enlevé par une mort si précipitée, et, pour ainsi dire, au milieu de sa carrière ».

Tout l’avenir du Creusot est contenu dans le rapport de Jars, et la suite des évènements en confirme l’exacte projection.

 

L’HERITAGE DE LA VISITE DE JARS AU CREUSOT

 

Les routes

 

Jars a perçu à quel point Montcenis est enclavé par rapport au réseau routier que les Etats de Bourgogne s’efforcent d’améliorer progressivement. On accorde encore une large part aux voies fluviales, et la politique consiste alors à ouvrir de bonnes « routes de portage » entre les rivières. A cet égard, Jars insiste pour relier Montcenis à la Saône et à la Loire. Delachaize et Jullien s’activent en ce sens.

Jullien a anticipé dès 1767 en alertant les pouvoirs publics, l’un et l’autre adressent des requêtes aux Etats de Bourgogne tout au long de l’année 1768, mais il faut attendre la fin de 1769 pour que les Elus généraux (pouvoir exécutif des Etats) ordonnent à l’ingénieur des Ponts et Chaussées Emiland Gauthey de tracer deux chemins : l’un de Montcenis à Couches (actuelle D 1), où l’on rejoint la route neuve d’Autun à Chalon (D 978), et qui servira plus tard à acheminer le minerai de fer de Couches; l’autre, de la Charbonnière à Montcenis, puis à Toulon (tronçon de la D 980), qui retrouve à La Gaité (commune des Bizots) la route de Chalon à Digoin par Les Baudots et La Coudraye, elle-même alors en construction (Initialement, la jonction devait s’opérer près de La Coudraye, suivant en cela le chemin immémorial de Montcenis à Toulon par Charmoy). Les travaux routiers reposant en partie sur le système de la « corvée des chemins », l’achèvement de ces diverses communications s’effectuera en une décennie ou plus.

 

Quelques années plus tard, des adaptations complèteront ce dispositif de base, notamment une jonction entre la route de Montcenis à Couches et la Fonderie royale : c’est au Creusot l’actuelle rue Maréchal-Foch. [Pour les questions routières de cette période : cf. le fonds de l’Intendance des Etats de Bourgogne aux Archives départementales de la Côte-d’Or, notamment C 4363).

 On notera enfin qu’il est question d’un port d’embarquement à Toulon ; cependant, l’Arroux ne restant pas navigable toute l’année, l’ingénieur Antoine avait dressé un projet de canalisation de la rivière (publié en 1780), projet non retenu auquel s’était substituée la construction d’une route neuve de Toulon à Digoin à partir de 1765.

 

Production de coke

 

Jars avait donc montré la possibilité de produire du coke avec la houille du Creusot. En février 1771, Delachaize réalise expérimentalement avec le dijonnais Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816), chimiste et futur Conventionnel, une coulée de fonte au coke qui tend à démontrer l’excellente qualité du charbon.

 Entre temps, d’autres expériences sont menées en France : par exemple en mai 1776, à Aisy près de Montbard, Buffon obtient une fonte au coke en utilisant une « moindre quantité de charbon de bois », et même « sans aucun mélange ».

 L’effervescence née autour de la métallurgie suscite la convoitise de ce qu’il faut bien nommer un capitalisme industriel. Le gouvernement, par la voix du ministre Bertin, résiste d’abord mais suit la situation avec intérêt. Comme il faut des capitaux pour produire à grande échelle, des sociétés par actions finissent par être créées, bientôt caractérisées par des rivalités et une instabilité notoire.

 

 Quoi qu’il en soit, en août 1778, Jacques Necker, nouveau ministre des Finances, accorde le monopole d’exploitation à la Compagnie Stuart pour les Généralités de Bourgogne, Bourbonnais et Lyonnais. C’est donc à cette société que Delachaize cède sa concession houillère en 1776, n’ayant pas su ou pas pu en tirer tout le parti industriel désirable. Deux ans plus tard, Pierre-Clément de Grignon (1723-1783), ancien collaborateur de Buffon et inspecteur des Forges, constate, lors de son passage dans le vallon du Creusot, la présence d’une vaste plate-forme de fabrication du coke.

 

Les forges

 

Dans son rapport, Jars fait allusion à la proximité de forges avec la mine du Creusot : peut-être La Motte-Bouchot et Longpendu (Ecuisses) exploitées à cette époque par Jobert ; surtout celle du Mesvrin, plus proche du Creusot, que l’abbé de Fénelon reprend en 1774. En homme avisé, ce dernier a tout prévu : la vallée du Mesvrin n’étant séparée de celle du Creusot que par une chaîne de collines facile à franchir, il s’est engagé en 1771 à réparer et entretenir à ses frais la route qui acheminerait le coke. Le principal obstacle restant l’approvisionnement en fonte, il établit un fourneau à Bouvier, en amont de Mesvrin, sur les terres de sa seigneurie, auquel on adjoindra plus tard une forge ; le minerai provient toujours du plateau d’Antully, puis de Chalencey, près de Couches.

 

En 1776, les établissements de Bouvier et de Mesvrin sont acquis par Jacques-Nicolas Roëttier de La Tour, échevin de Paris, associé de la Compagnie Stuart qui détient donc désormais l’ensemble de la chaîne de production. En 1778, Grignon témoigne qu’on a réussi à couler la fonte au coke à Bouvier, et qu’à Mesvrin, on emploie le coke pour l’affinage du fer en y incorporant encore un peu de charbon de bois (Mémoire de 1779).

 

Tous les vœux de Jars semblent donc exaucés : routes, cokerie, fourneau, forge… pour peu de temps ; en mai 1782, la société d’exploitation (qui change plusieurs fois de nom), est frappée par un arrêt du Conseil d’Etat qui fait révoquer la vente de la concession par Delachaize : privée de houille, elle doit, par conséquence, se résoudre à la dissolution.

 

Depuis la disparition de Jars, il semble que les chances de parvenir à produire de la fonte en grande quantité selon la méthode anglaise s’éloignent chaque année davantage : même dans sa fonderie d’Indret près de Nantes, l’Anglais William Wilkinson († 1808) fond de vieux canons de marine pour en fabriquer des neufs !

Il s’allie avec François- Ignace de Wendel (1741-1795), officier et seigneur d’Hayange (où Jars avait assisté à la première coulée de fonte au coke), dont la fonderie familiale fournit l’artillerie royale. L’un et l’autre se persuadent que pour produire beaucoup de canons de marine, il faut élever d’immenses hauts-fourneaux alimentés par de grandes quantités de coke et assistés de puissantes souffleries, elles-mêmes animées par des machines à vapeur – spécialité des Wilkinson en Angleterre : Wendel pense à Saint-Etienne ; Wilkinson préfère Montcenis, où il semble être venu en reconnaissance dès avril 1781 ; le projet d’ouverture du canal du Charolais qu’on pourrait relier au Creusot (ce qui ne sera jamais réalisé complètement), constitue un argument supplémentaire.

Accompagnés de Pierre Toufaire (1739-1794), ingénieur des Bâtiments de la Marine, Wendel et Wilkinson arrivent dans la vallée de la Charbonnière en juillet 1781, reconnaissent les lieux, lèvent des plans, rencontrent Delachaize séparé de son associé depuis 1776. Il leur faudra quatre années pour racheter la mine à Delachaize, acquérir les terrains nécessaires auprès de propriétaires récalcitrants ou qui font bondir les enchères, reprendre Mesvrin et Bouvier pour éviter toute concurrence…

Quatre ans pour constituer une société avec des capitaux privés et des fonds publics, grâce au soutien du nouveau ministre des Finances Charles-Alexandre de Calonne et à l’appui discret d’un homme du pays, le ministre des Affaires étrangères Charles Gravier de Vergennes, une société où le roi lui-même est actionnaire, et qui finira par unir la Manufacture des Cristaux de la Reine aux Fonderies royales d’Indret et de Montcenis (1787). Quatre dures années pour que Wendel, vienne à bout de tous les obstacles matériels et humains que font surgir une telle entreprise, heureusement bien secondé techniquement par l’ingénieur Pierre Toufaire (1729-1794) dont le rôle a été largement sous-estimé par les historiens du Creusot.

Le jour de la première mise à feu des fourneaux, le 11 décembre 1785, le songe éveillé d’Antoine-Gabriel Jars porte désormais un nom : Le Creusot.

 

LIEUX DE MEMOIRE

 

Il ne subsiste aucune trace de la Fonderie royale au Creusot dont on a pu néanmoins repérer quelques traces dans le sous-sol de la plaine des Riaux, et l’on aurait quelque peine à trouver, même dans le vieux quartier des Riaux, des traces d’habitation remontant jusqu’au XVIIIe siècle. Le vieux chemin de la Charbonnière à Montcenis, que Gauthey avait tracé en 1770, attend sa réhabilitation comme sentier patrimonial à travers le bois des Crots, seul site portant encore les stigmates des anciennes exploitations minières.

 

      Depuis peu une allée du site industriel du Creusot porte le       nom de Gabriel Jars. Il eût mérité mieux : un boulevard, une esplanade, une institution, ou plus pédagogiquement un établissement scolaire. La mémoire est parfois ingrate, et l’attribution de noms de personnalités liées à l’histoire locale, pour des lieux ou des établissements publics, apparaît comme l’un des moyens de réappropriation du patrimoine par les habitants. Notons au passage que si Wendel a sa rue, Wilkinson et Toufaire sont oubliés de la nomenclature urbaine creusotine.

 

 L’abbé de Salignac Fénelon, prieur de Saint-Sernin et moteur des premières industries métallurgiques de la région creusotine, a désormais sa place au bourg de Saint-Sernin-du-Bois, nouvellement réaménagée suite au transfert de la mairie dans l’ancien prieuré.

 

Bibliographie

 

                                                                                                                    CHERMETTE Alexis, La famille Jars et sa contribution à l’exploitation des mines lyonnaises aux XVIIIe et XIXe siècles, Supplément au bulletin mensuel de la Société linéenne de Lyon, n° 5, mai 1981, p. II - XI.

 

Deux références font l’objet d’une publication numérique :

- DUCREUX P.O., 1997 - Gabriel Jars métallurgiste, Mémoire de maîtrise, Université Paris I, dir. Paul Benoît.

- ECOLE POLYTECHNIQUE, 1897 - Livre du Centenaire, Tome 3, Paris, 1897.

 

Deux ouvrages, mieux que tout autre, s’appuient sur des sources de première main (archives nationales et archives du ministère de la Marine):

- BALLOT C., 1912 - L’introduction de la fonte au coke en France et la fondation du Creusot, Revue d’Histoire des Doctrines économiques et sociales, Paris, p. 2-34.

- CHEVALIER J., 1935 - Le Creusot berceau de la grande industrie française, Paris, 155 p. ill.

 

Un ouvrage capital pour l’histoire des forges de Mesvrin et Bouvier, car il puise à de nombreuses archives privées, devenues souvent inaccessibles :

- SEBILLE J.L., 1882 -Saint-Sernin-du-Bois et son dernier prieur, Paris, J. Gervais, 298 p. ill.

 

En complément, on lira la plaquette qui exploite un fonds des archives industrielles de l’Académie François Bourdon :

- R. BOULISSET- Les forges de Mesvrin, Plaquette technique n° 4, Le Creusot, Académie François Bourdon, 2001, 28 p. ill.

 

 

 

 

Conclusion du rapport de Gabriel Jars adressé au ministre Bertin le 10 octobre 1768.

 

« Il ne manquera aux intéressés pour faire prospérer leurs mines, que la consommation du charbon qui en sera le produit ; plusieurs moyens peuvent y concourir : 1° celuy de pratiquer des routes, l’une pour conduire le charbon à la Saône, et l’autre au bord de la rivière d’Arroux qui tombe de la Loire ; 2° d’établir sur les lieux des manufactures de fer et d’acier ; Montcenis est mieux situé que Saint Etienne pour ces sortes d’établissements, attendu qu’il a des forges à sa portée, tandis que Saint Etienne tire les siens de Bourgogne ; 3° le moyen qui seroit le plus avantageux pour les intéressés et qui serviroit au second, seroit d’ériger une forge pour y fondre le minerai de fer avec le charbon de terre privé de son bitume et converti en ce que les Anglais nomment coaks, qu’ils emploient à cet usage ; j’ay essayé de convertir une petite partie de ce charbon ; j’ay eu tout le succès que je pouvois désirer, j’en ai laissé des échantillons à M. de la Chaise et luy ai expliqué comment cela pouvoit se faire en grand, j’en ai agi de même avec M. Jullien son associé ; ils m’ont dit être fort portés à faire un établissement de ce genre lorsqu’on leur aura accorder la concession qu’ils sollicitent. Enfin je connois peu de mine de charbon plus abondante et mieux située pour y fondre le fer, puisqu’il  y a des forges à une lieue et à une lieue et demie de distance de la mine ; cette façon de fondre seroit d’autant plus essentielle à établir qu’elle seroit la première en France et qu’elle pourroit servir d’exemple dans le Royaume, où les bois deviennent rares et où la consommation du fer et de l’acier augmente journellement. »

 

A.N. F12 1300 Cité par CHEVALIER J. - Le Creusot, berceau de la grande industrie française, 1935, p. 34

 

                                                

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