DEPOSITION DES VICTIMES DU VOL A MAIN ARMEE
SUR LE GRAND CHEMIN DE MACON A LYON
« Cejourd’huy trente prairial an 4e de la République
heure de neuf du matin, pardevant nous Claude Alphonse Beauné,
directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Macon, sont
comparus les citoïens Pierre Grangnard, chapelier demeurant à Tournus,
François Bornet, négociant demeurant à Louhans, et Jean Baptiste Prieur
aussi négociant demeurant à Cuisery, lesquels ont déclaré qu’étant
partis de cette commune [Mâcon] dans un cabriolet attelé de chevaux de
poste le vingt cinq de ce mois sur environ les neuf heures et demie du
soir, pour se rendre à Lyon, où différentes affaires les appelloient,
ils furent arrêtés vis-à-vis le château de Loise entre Crêches et
Pontanevaux, par cinq particuliers qui s’étoient cachés d’abord derrière
un buisson, et qui en en sortant tous à la fois crièrent « A bas
postillon ou nous te brûlons la cervelle » ; que le postillon ayant
arrêté, ces cinq particuliers entourèrent le cabriolet, et que l’un deux
sauta sur le devant de la voiture, étant armé de pistolets, et dit aux
déclarants de leur remettre leur argent, ou qu’il en alloit de leurs
vies ; que le citoyen Grangnard étant en avant de la voiture présente à
ce particulier un pistolet dont il étoit armé, afin de lui en imposer
s’il étoit possible, mais que ce particulier lui dit « Tire B… mais tu
ne vivras pas une minute après m’avoir tué », qu’alors il parut aux dits
déclarants sage de se rendre, qu’à l’instant les dits particuliers
engagèrent les dits voyageurs à descendre en les tenant en joue avec un
pistolet et deux espingales, qu’étant descendus, ils les fouilllèrent et
leur prirent
Sçavoir
Au
citoyen Grognard, huit louis en or et sept en argent blanc, qu’ils lui
prirent en outre une montre à boite en or, guillochée, dont le cadran
marque heures et quantième du mois, […] qu’ils lui ont encore pris dans
la poche de son habit pour cinq mille livres de mandats tous de la somme
de cent livres.
Au
citoyen Bornet trente un louis dont six en or et le surplus en argent
blanc ainsy qu’une montre à boite d’or unie à timbre et à toc, fermant
difficilement, à laquelle étoit attachée une chaine en or à petites
boucles ainsy qu’un cachet aussi en or sur lequel étoit gravé une tête,
et une clef aussi en or, qu’ils lui ont pris aussi quelques mandats dont
il ne sçait pas le montant, que les six louis qui lui ont été volés
étoient dans une bourse en soye […].
Au
citoyen Prieur cinq livres en argent blanc dont un dans son gousset et
les quatre autres dans son porte manteau, qu’ils lui ont pris en outre
des boucles de soutien en argent […], qu’ils lui ont pris encore une
montre à boite d’or unie […].
Qu’avant
de les fouiller les dits particuliers s’emparèrent de deux pistolets
qu’ils avaient dans leur voiture […], qu’ils avoient empruntés ces
pistolets du citoyen Delorme traiteur en cette commune [Mâcon] chez
lequel ils étoient logés la veille de leur départ pour Lyon.
Que
ces particuliers leur tinrent différents propos, et leur firent
plusieurs menaces, qu’ils lui dirent notament que s’ils faisoient le
métier de voleur c’étoit leur f… république qui en étoit cause, que ces
particuliers dont un parloit gras leur parurent avoir la taille presque
uniforme, qu’ils avoient de trois à cinq pieds quatre pouces, qu’ils
étoient vêtus d’habits bourgeois, dont plusieurs étoient bleu avec des
boutons blancs, que trois d’entre eux avoient des chapeaux ronds, et les
deux autres des retroussés, qu’autant qu’ils purent l’apercevoir à la
clarté de la lune ils avoient tous des bas de chausse de couleur et
qu’ils pouvoient les uns et les autres être âgés de vingt cinq à trente
ans, qu’au moment de se séparer les dits particuliers leur dirent si
vous rencontrez une autre bande de cinq voleurs dites leur que ça a déjà
été fait, et ils vous laisseront passer.
Laquelle
déclaration ils ont fait comme dénonciation, en ont affirmé la
sincérité par serment prêté entre nous. » Signé : Beauné, Grangniard,
Prieur cadet, Bornet cadet
[Archives départementales de Saône-et-Loire 5L 17]
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