C’est
incontestablement depuis la « Chaume » du
Mont Beuvray que se révèle le mieux
cette entaille d’une parfaite
netteté dans les reliefs de l’Autunois.
Intercalée entre le puissant horst d’Uchon qui
surplombe le val d’Arroux, et
le plateau de Montjeu contrebuté
par les collines boisées qui barrent l’horizon sud de
la ville d’Autun (Montagnes de
Guenand et d’Ornez), la vallée
du Mesvrin ouvre une voie naturelle aux contrées
méridionnales du Morvan vers le bassin
du Creusot, la vallée de
la
Dheune et le val de Saône.
Se frayant
d’abord un sillon resserré entre le plateau
gréseux d’Antully et les reliefs granitiques
de l’Autunois, le Mesvrin
serpente à partir de Marmagne
dans un corridor majestueux, longue coulée verte au pied
d’une double cavalcade de
collines boisées, qui s’élargit
jusqu’à sa rencontre avec le val d’Arroux,
face aux monts du Morvan dont il offre un
avant-goût.
LE
MESVRIN, ÉMISSAIRE DES PLATEAUX DE L’AUTUNOIS
Le Mesvrin
draine les eaux des grands reliefs de
l’Autunois : une large part du plateau
d’Antully, par son haut-bassin
et par deux de ses affluents, le
ruisseau de Saint-Sernin et le Rançon, sur lesquels Le
Creusot prélève une portion
notable de ses besoins en
eau [Images de
S&L, n° 137, 2004] ; le massif
d’Uchon en ses retombées orientales surtout,
par son principal affluent de la rive
gauche, la
Brume, qui
recueille aussi les eaux du
« pays » de Montcenis, glacis de collines qui
s’intercale entre le plateau
d’Uchon et la dépression du
Creusot.
Le
haut-bassin du Mesvrin remonte aux confins des bassins
de la
Drée vers Saint-Emiland, et de
la
Dheune vers Saint-Pierre-de-Varennes,
Saint-Firmin et Le Breuil. A ce
titre, il dessine donc une des
dernières auréoles du versant océanique par
l’Arroux et la
Loire, en contact avec le versant
méditerranéen par la
Dheune et
la
Saône.
Alimentée par une multitude de
ruisselets suintant de ce pays de
sources, d’étangs et de
« mouilles », dont certains sont retenus
par le barrage de Brandon qui
alimente une partie des communes
du Couchois et de la vallée du Mesvrin, notre
rivière ne reçoit son acte de baptême
qu’au sortir de l’étang du même
nom, qui eut son heure de gloire à la
fin du 18e siècle, pour avoir été le berceau de
l’industrie métallurgique
creusotine.
Le socle
sur lequel est charpenté le pays permet d’y
rencontrer, notamment sous les grès
triasiques du plateau
d’Antully, les plus vieilles roches du
pays (gneiss, granite à deux
micas) et de beaux cristaux
(agate, tourmaline, amphibole) notamment dans la vallée
du Rançon et le vallon du
Ruisseau Rouge (Chapey). Les
carrières de granite de La
Roche-Mouron (Etang-sur-Arroux)
et de Bouvier
(Saint-Firmin/Saint-Sernin)
ont fourni la pierre à bâtir pour tous les
villages du pays.
Le
châtaignier, même s’il se raréfie, est l’arbre
d’excellence sur ces terrains
cristallins. Certains sont
devenus des géants : châtaigniers des
Milliens (Marmagne), de Martigny et de
Maison-Dru (Saint-Symphorien),
de La Roche (Charmoy)
dans la haute vallée de la
Brume.
Jusqu’au
début du 20e siècle, la vigne a couvert la
« côtière » sud, comme en
témoignent la toponymie et les
vieux cadastres. Aujourd’hui, comme dit
la chanson, « la
vigne court dans la forêt », mais
restent les terrasses, parfois les
« cadoles », et même quelques plants
ensauvagés. Les terrasses de Gamay
(Saint-Sernin-du-Bois) - au nom
prédestiné - dignes des coteaux
cévenols,
sont les mieux
conservées.
Si le mont
Beuvray reste presque toujours visible vers le
couchant, et si la plupart des chemins de
crête offrent d’admirables
panoramas, la colline emblématique reste
ici la
Certenue, austère « dame à la
robe noire » couverte
d’une compacte forêt de
châtaigniers : dominant tout le pays, elle ne réserve
cependant que des vues partielles.
Les hauteurs qui encadrent
Marmagne, Saint-Symphorien et Chapey assurent
des envolées plus amples. La colline du
Chaillot, dominant le parc
touristique des Combes au Creusot,
constitue aussi un belvédère privilégié.

Marmagne
DE
LA BANLIEUE DE BIBRACTE AUX FAUBOURGS
D’AUTUN
Le
principal courant de circulation mettant en
communication Bibracte avec la
Saône,
correspond en partie au tracé de l’actuelle D 978 par
Autun - la
Dheune étant
toutefois franchie à Dennevy. Néanmoins, la vallée du
Mesvrin ne pouvait être totalement
ignorée des Eduens : des
pistes devaient s’en détacher vers
les crêtes (Montcenis, Brandon), à tel point que
certains auteurs ont cru y voir un
itinéraire possible suivi depuis
la
Saône par les Helvètes avant la
bataille que devait leur livrer César au
pied même de Bibracte. Quoi
qu’il en soit, la fondation d’Autun
allait créer un peuplement dense dans la vallée à
l’époque gallo-romaine. Outre les
sites répertoriés par les
archéologues, de nombreuses stèles funéraires
implantées le long des chemins ou dans les
murs le rappellent
suffisamment, telles ces célèbres
« Pierres aux Saints » de Chapey, à Broye.
Tout près de là, l’imposant menhir de
Charmeau rappelle que des pistes néolithiques ont
précédé ici les voies
gallo-romaines. Ces dernières,
que la cité d’Augustodunum captait
vers elle, coupaient la vallée transversalement :
l’une, dite de
« Belleville », remontant la vallée de
la
Brume pour tendre vers le
Charolais, le Beaujolais et
finalement Lyon par un
itinéraire secondaire, desservait au passage les
thermes antiques de Grisy; une autre,
ancêtre de la D 28 de Marmagne à
Saint-Gengoux, a conservé sur la carte le nom de
Grande Voie près de La
Collonge. Si l’on en
croit les toponymistes, des colons de diverses
origines peuplèrent la vallée sous
l’Empire romain : Marcomans à
Marmagne, Sarmates à Charmasse. La vallée
continua d’être peuplée sans discontinuité
pendant tout le haut Moyen-Age,
ainsi qu’en témoignent les
cartulaires de l’Eglise d’Autun établis par A. de
Charmasse.
TERROIR DE CROYANCES
DEVENUE TERRE
D’ÉGLISES
Bien des
fontaines et des pierres auréolées de légendes ou de
croyances animistes ont été
oubliées. Parmi les plus
célèbres sources guérisseuses christiannisées encore
connues, figure celle de Maison-Dru,
à Saint-Symphorien, consacrée à
Marie et Anne, nichée comme la
rustique chapelle voisine, dans l’une des
resserres du massif d’Uchon [Images de
S&L, n° 67, 1986].
Celle de
Gamay, à Saint-Sernin-du-Bois, est associée à un site
gallo-romain et à une chapelle :
les mères venaient y prier
« saint Ploto » (saint Protais) pour
avoir des enfants, beaucoup de lait, ou
pour vivifier les enfants
chétifs.
A
Saint-Sulpice de Marmagne, au fond d’une gorge où se
cache une chapelle du 17e siècle,
dont les statues se vengent en
accablant de maux ceux qui veulent les
déplacer, les eaux avaient aussi des propriétés
curatives.
Parmi les
roches célèbres, la
Pierre de
la
Dame, à Mesvres, elle-même
christianisée [Images de
Saône-et-Loire, n° 63, 1985], est liée
au cycle de légendes qui s’enroulent autour de
la montagne de la
Certenue comme des brumes tenaces.
Moins
connue, la
Sitrelle du Diable est un bloc rocheux
au bord de l’ancien chemin de
Marmagne au Creusot, par le
hameau de La
Collonge. D’autres
pierres plus ou moins oubliées
semblent n’avoir été que de
simples bornes seigneuriales : pierre de Champitaux
(Saint-Firmin), pierres du Mouton
et du Rô (Saint-Symphorien).
Sans oublier les appellations
pittoresques, comme la pierre dite des « Fesses de
la
Dinde », aux Riaux
(Saint-Symphorien)...
Située sur
la commune de Mesvres, la chapelle de
la
Certenue, sanctuaire de pèlerinage
marial, à laquelle on accède plus
facilement par le versant
oriental (Saint-Symphorien), est l’un des hauts
lieux mystiques du pays
[Images de
S&L, n° 23, 1974]. Son
isolement sur le faîte, quelques vestiges gallo-romains,
des origines cultuelles qui se
perdent dans la nuit des temps,
une source et une statue qui accomplissent des
miracles, des légendes de char englouti,
de sonnerie de cloche qui monte
de la terre, les rochers, le bruit du
vent dans les arbres, la fraîcheur permanente, tout
ici contribue à impressionner
le corps et l’esprit. Un
pèlerinage s’y est maintenu le lundi de Pentecôte
pendant la première moitié du 20e
siècle.
La chapelle
actuelle, qui abrite la sépulture de la famille
qui s’en rendit acquéreur au lendemain de
la
Révolution, est pour l’essentiel
celle que fit reconstruire en
1675 Françoise de Rabutin,
comtesse de Toulongeon, mais le chœur paraît établi sur
des bases plus anciennes.
A l’opposé,
la chapelle de Fougerette (17e s.) intégrée à
une exploitation agricole (Elevage de
lamas) a perdu toute vocation
spirituelle.
L’un des
saints les plus populaires de la vallée est
saint-Martin : il est le patron des
églises de Marmagne, de
Saint-Firmin où la source qui lui était
dédiée est en piteux état dans un pré voisin de
l’église. Peut-être est-ce le
pas de sa monture qu’on voit sur
un rocher des Germenets, à Saint-Sernin, sur
le bord du plateau, et que la légende
attribue pourtant au mythique
cheval Bayart des Quatre fils Aymon.
Le prieuré
de Mesvres est placé sous son vocable :
fondé sur les ruines d’un temple gaulois,
selon une tradition tenace que
les « celtisants » du
19e siècle ont enracinée chez les habitants du pays,
affilié à Cluny depuis le 10e
siècle, longtemps voué à
l’abandon et à la ruine, voici qu’à l’approche de la
commémoration des onze siècles
d’existence de la célèbre
abbaye, une association se voue à en faire
vivre la mémoire, et que cet humble monument
attire l’attire l’attention des
archéologues qui y découvrent
les vestiges d’ une église pré-romane.
L’abbaye
Saint-Martin d’Autun était aussi bien implantée dans la
vallée où elle possédait
d’importants domaines à
Marmagne, au « Vault du Maret »
(Saint-Sernin-du-Bois). Les chanoines du
prieuré augustinien de
Saint-Sernin-du-Bois étaient eux-mêmes
devenus les seigneurs d’un territoire étendu
couvrant la majeure partie de
cette paroisse et celle de
Saint-Firmin.
L’église
paroissiale de Mesvres est, avec celle de Saint-Firmin,
la seule de la vallée à avoir
échappé à la vague des
reconstructions d’églises au 19e siècle. L’archaïsme
même de certaines de ses
dispositions (coupole, abside
empâtée) en fait tout le charme. On lui pardonnera
d’avoir perdu son clocher pour un
petit clocheton-arcade en
calcaire du Puley, insolite ici.
Toutes les autres églises sont dues à l’ingéniosité de
l’architecte Roidot, « le
grand Roidot », chargé de
la surveillance des travaux de
restauration de la cathédrale
d’Autun au 19e siècle, sous la
direction des architectes
diocésains Berthier, Durand et Magne et sous l'autorité
de l'inspecteur général des
monuments historiques
Viollet-le-Duc.
DES
MOTTES CASTRALES AUX DEMEURES
DE
PLAISANCE
Les terres
laissées par les seigneuries ecclésiastiques se
répartissaient entre de nombreux fiefs
ou arrière-fiefs, dont certains
subsistent sous la forme de
fermes plus ou moins fortifiées : Marnay et
La
Crôte à Saint-Symphorien,
La
Roche à Charmoy ; d’autres sous
la forme de mottes castrales
plus ou moins
impressionnantes : Saint-Sulpice à Marmagne,
La
Perrière à Etang, Toulongeon à
La
Chapelle-sous-Uchon. Dans cet
émiettement de la propriété
foncière en petites seigneuries
à l’histoire plus ou moins obscure,
certaines sont sorties de l’ombre pour une destinée
mieux éclairée, notamment deux
d’entre elles : Alone et
Montjeu.
Alone, qui
relevait à l’origine de la baronnie d’Uchon, vit
s’ouvrir une nouvelle page de son
histoire avec l’arrivée d’une
famille d’origine franc-comtoise, les
Toulongeon [Images de
S&L, n° 147, 2006], dont l’un
des représentants, au 17e siècle, épousa la fille
de sainte Jeanne de Chantal, née
Françoise de Rabutin, tante de
la marquise de Sévigné, et pour qui la terre
d’Alone fut érigée en comté et prit le nom
de Toulongeon.
Roger de
Bussy-Rabutin, qui avait épousé sa cousine Gabrielle,
fille d’Antoine et de Françoise de
Toulongeon, fit preuve d’une
certaine ingratitude envers sa belle-mère,
qui avait élevé ses trois filles après le
décès prématuré de son épouse,
la laissant « vivre
ou mourir en [son] absence »,
selon sa
propre expression.
Les
bâtiments actuels du château de Toulongeon, commencés
par le beau-frère de Bussy-Rabutin,
François de Toulongeon, furent
activement poursuivis par un nouvel
acquéreur (1756), Théodore Chevignard, gouverneur de
Beaune, puis par ses
successeurs, les Gravier de
Vergennes (1764), dont Charles de Vergennes, devenu
ministre des Affaires étrangères,
obtint du roi des lettres
patentes pour que la seigneurie portât son nom -
qu’elle ne conservera pas.
Le comte de
Vergennes s’intéressa beaucoup à la
construction des routes du pays et prit une part
active à soutenir, peu d’années
avant sa mort (1787), la
création des manufactures royales du Creusot (Fonderie
royale et Cristallerie de
la Reine). Les
terriers de Toulongeon montrent que sous
l’Ancien Régime, la seigneurie
couvre un territoire considérable
sur les communes actuelles de Mesvres, La
Chapelle, Broye et Uchon.
Le château
actuel de Toulongeon, blotti dans une sorte de
bout du monde au pied des rudes
escarpements de la
Ravière et de
la Certenue,
conserve aujourd’hui l’apparence d’une demeure
discrète, reflet des modes
architecturales du 17e siècle, avec
toutefois une tour d’angle plus ancienne. Dans la
propriété de l'ancien moulin,
subsistent les vestiges du site
fortifié médiéval.
La
seigneurie de « Montjeu-en-Montagne »,
démembrée de celle de La
Toison,
relevait à l’origine directement du duché de Bourgogne.
Son acquisition en 1586 par
Pierre Jeannin, conseiller de
Henri IV, surintendant des Finances, diplomate
artisan de la paix d’Anvers, acte
fondateur des Pays-Bas, la fit
en quelque sorte entrer dans la
« grande » histoire.
C’est
lui qui entreprit la construction du château actuel,
poursuivie par ses fils et
petit-fils, Pierre et Nicolas
Jeannin de Castille. On doit notamment à ce dernier,
pour qui la terre fut érigée en
marquisat en l655, l’élévation
d’un mur de 11,5
kilomètres autour de
l’immense parc de
700
hectares.
Montjeu
passa ensuite aux familles d’Alligre, puis Le
Pelletier de Saint-Fargeau qui
donna un député à la
Convention, assassiné le jour
même où il vota la mort du roi.
Sa descendance transmettra le
domaine aux Talleyrand-Périgord, puis aux princes de
Ligne, dernière famille
aristocratique en possession de
cette propriété foncière exceptionnelle, qui tombera
successivement entre les mains
d’industriels et d’hommes
d’affaire,
dont le
plus connu, Jimmy Goldsmith, consacra une partie de
sa fortune à la remise en état du
château et du parc.
Le château
de Montjeu est situé sur la commune de Broye,
mais il reste inaccessible de ce côté, et
il faut même perdre tout espoir
de l’apercevoir. (Il n’est visible
que de loin, par exemple depuis la petite route de
Marmagne à Chapey). Selon le
chanoine Grivot, cette demeure
mystérieuse, cachée au milieu d’immenses
forêts, que Pierre Jeannin estimait toujours
assez éloignée de ses ennemis et
que ses amis sauraient toujours
bien trouver, ne resta secrète ni pour Marie de
Sévigné qui avait ses entrées dans tous
les salons du pays grâce à son
cousin Bussy-Rabutin, ni à Voltaire
habile à se faufiler partout où sa personnalité
pouvait briller.
Outre
quelques belles maisons de maître des 18e ou 19e
siècles, comme celle des Desplaces de
Charmasse à Martigny, la vallée
du Mesvrin compte de nombreuses
villas de la
Belle
Epoque, résidences secondaires d’une
bourgeoisie attirée à la fois par
le calme champêtre et par la
proximité du chemin de fer. Ainsi,
chaque commune a développé à proximité de la gare un
quartier indépendant du
bourg.
Parmi
ces riches demeures, le château de Mont d’Arnaud, à
Broye, fut la résidence de
Nicolas-Alfred Deseilligny
(1828-1875), directeur des usines du Creusot et maire de
cette ville, qui avait épousé la
fille d’Eugène Schneider. Un
autre chef de service des établissements
Schneider résidera au « chalet » de
Cruzille à Saint-Symphorien.
Mais la
proximité du Creusot, facilitée par le chemin de fer,
a aussi attiré de nombreux ouvriers
originaires de la vallée qui y
ont également fait construire leurs
maisons, distinctes de l’habitat rural traditionnel
et des riches villas par leur
grande simplicité.
DU
CHARBON DE BOIS FORGÉ À
L’URANIUM
Une rivière
au débit suffisamment régulier attire toujours
quelques industries artisanales :
moulins, huileries, papeteries,
scieries, etc. Aujourd’hui, tous
les moulins sont assoupis, certains depuis longtemps
comme ceux de Broye à la suite du
captage des eaux du Rançon pour
Le Creusot (1875). Il en reste parfois de
beaux bâtiments, tels le moulin des moines à
Mesvres, le moulin Rey à
Marmagne, et le moulin de Cruzille sur
la
Brume, dont la roue à aubes existe
encore, sous un toit de tuiles
vernissées.
A ces
industries classiques de l’énergie hydraulique,
s’ajoutent aux 17e et 18e siècles les
« foulons » à battre la
laine, notamment ceux de
Mesvrin et de la gorge de Saint-Sernin.
A
Saint-Symphorien, le lieu-dit L’Usine rappelle le
souvenir d’une entreprise de
teinture à base de
bois de châtaignier. Il y eut, dans la même
commune une fabrique artisanale de pâtes à
Paisy, et une usine de meubles
au bord du Mesvrin.
Mais le
voisinage des immenses forêts du plateau d’Antully,
ainsi que quelques affleurements de
minerai de fer, ont permis
d’expérimenter ici la métallurgie, peut-être dès
l’Antiquité.
C’est
surtout au 17e siècle que se développent les premières
fonderies (au charbon de bois) et
forges du haut-bassin du
Mesvrin, à Champitaux, à Bouvier, et à Mesvrin,
ainsi que sur le haut Rançon aux Baumes
d’Antully.
Toutefois,
sous l’impulsion de l’entreprenant seigneur-prieur de
Saint-Sernin, l’abbé de
Salignac-Fénelon, les sites de
Bouvier et de Mesvrin anticiperont de quelques
décennies la révolution industrielle au
Creusot. Il est probable que les
premiers essais de fabrication de la
fonte au coak à partir de la houille locale eurent
lieu au fourneau de Bouvier,
dont il ne reste rien, et il est
certain que les premiers laminoirs de la région
fonctionnèrent à Mesvrin, où l’on montre
encore la maison du maître de
forges (1769) près de la chaussée de
l’étang. L’usine de Mesvrin restera dans le giron
de la
Compagnie
Schneider
jusqu’en 1841, après quoi tannerie et minoterie
prendront la relève.
Quelques
années seulement après la
Révolution, l’ingénieur
Joseph-François de Champeaux
découvre près de Saint-Symphorien une
étrange pierre à paillettes jaunes surnommée
« arbre d’or » par les
paysans [Images de
S&L, n° 24, 1974].
Un
demi-siècle après, cette roche, en fait un minerai
d’uranium, reçoit le nom d’autunite.
Quelques décennies plus tard, de
nouveaux filons sont découverts au pied
de la montagne de Bourdeau.
Mais il
faut attendre la découverte du radium (1898) pour que
le minerai attire de nouveau
l’attention, et qu’un forage
soit entrepris au hameau des Riaux en 1905 par
le géologue Hippolyte Marlot, tandis que
tout près de là, le projet
d’exploitation de la source thermale
chaude de Grisy, ne survivra pas à la
Grande
Guerre.
L’exploitation
de la mine des Riaux, tentée à deux reprises après
la
Seconde
Guerre mondiale, ne s’avérant pas
économiquement rentable, sera
définitivement abandonnée. Alors
que Le Creusot est devenu un pôle de l’industrie
nucléaire (Framatome), de nouvelles
prospections sont entreprises
dans les années 1970 autour de la montagne
de Bourdeau, sur lequel le silence semble
aujourd’hui retombé.
Ce qui
n’est pas le cas pour la montagne de la
Collonge, à Marmagne, animée par le
ballet incessant des engins
extracteurs et dont les
entrailles à vif, pour l’exploitation en granulats d’un
granite à deux micas riche en
feldspath, s’illuminent d’une
étrange teinte rose orangée dans la lumière du
soir.
UNE
UNITÉ TERRITORIALE
DIFFICILE
Les
communes actuelles de la vallée du Mesvrin, dont les
contours sont hérités des anciennes
paroisses et des seigneuries,
présentent tous des territoires
transversaux qui débordent amplement sur les massifs
environnants, d’où un habitat très
dispersé et éloigné des
chefs-lieux (dont un seul, Saint-Symphorien, s’est
établi sur le versant nord), ce qui
a notamment contraint chaque
commune à ouvrir une école de
hameau
[Images de
S&L, n° 145, 2006].
La
géographie administrative répartit par ailleurs les
communes sur plusieurs cantons (Le
Creusot-Est, Montcenis,
Mesvres), et l’attraction urbaine se
disperse en direction du Creusot, d’Autun, voire de
Montceau pour la vallée de
la Brume (en
partie rattachée à Charmoy). Certes, Mesvres fait
figure de petite capitale de la
vallée, mais son canton, planté
en coin dans le massif d’Uchon, s’étale aussi
largement dans le val d’Arroux jusqu’aux
portes du Charolais. La
dispersion des communes de la vallée vers
plusieurs Communautés est la traduction
moderne de cette géographie
historique incertaine.
Les axes de
communication, route ou voie ferrée, créent en
réalité le seul véritable lien, où
Marmagne, traversée par
la N
80, apparaît comme le carrefour
majeur.
Délaissée
aux temps lointains par le grand axe éduen de Bibracte à
la
Saône au profit d’un itinéraire par
Autun et le plateau d’Antully,
revitalisée après 1870 par le
chemin de fer qui lui donne, avec le percement
d’un tunnel de près de deux kilomètres
sous la montagne de
la
Marolle, un accès direct au Creusot,
scellant ainsi le destin mi-rural
mi-industriel de sa population
active, la vallée du Mesvrin constitue
aujourd’hui un axe vital de désenclavement vers
la
Communauté urbaine Le
Creusot-Montceau, la gare du
T.G.V. et
la route Centre-Europe
Atlantique, pour cette partie du Morvan
qui s’ouvre au tourisme grâce au Parc du Morvan,
au pays d’Art et d’Histoire du
Beuvray et aux « Voies
celtes de Bourgogne ».

Le
pont de
Mesvres
BILBLIOGRAPHIE
La base de
la documentation, comme pour tout l’Autunois,
reste les Mémoires
de la Société Eduenne et le
Bulletin
de la Société d’Histoire
naturelle d’Autun. L’une des études les
plus
importantes est celle d’A. DE CHARMASSE: Annales
historiques du
prieuré de Mesvres en Bourgogne et ses
dépendances. M.
S. E. tome IV (1875) et VI (1877).
L’inventaire
du patrimoine a fait ici l’objet de deux
monographies de R. et A.M. OURSEL :
Canton
de Mesvres, 1985. Canton de
Montcenis, 1976. Se reporter aussi à l’inventaire
du patrimoine, en ligne sur le
site internet des Archives
départementales de Saône-et-Loire.
Aucune
commune de la vallée n’a bénéficié pour le moment d’une
monographie complète. Toutefois,
les notices de R. NIAUX :
Notes
sur l’histoire de Marmagne
(1984) et Contribution
à l’histoire de Mesvres (1986), s’appuient sur une
documentation précise et des
prospections
sérieuses.
La
commune de Broye bénéficie d’un album bien illustré
accompagné de notices, rassemblées
par M. DUBREUIL : Broye au fil des
ans. (1996).
Un album de
cartes postales commenté a été publié à
l’initiative du Foyer rural : Souvenir de
Saint-Symphorien-de-Marmagne. (1991).
On y
ajoutera pour Saint-Sernin-du-Bois et Saint-Firmin les
monographies suivantes : H.
CHAZELLE et A. DESSERTENNE. Histoire
de Saint-Sernin-du-Bois.
1984 ; A. DESSERTENNE. Le château de
Brandon, pages d’histoire pour
Saint-Pierre-de-Varennes et
Saint-Firmin. Groupe 71, 1986.
On
n’oubliera pas l’ouvrage de l’historien des familles
J.L. BEAUCARNOT (un enfant du
pays) : « Entre
Arroux et Bourbince ». L’odyssée des
familles. 1978.
Autres
publications sur des sujets effleurés ici :
A.
CHARMETTE. De la
découverte de l’Autunite à l’énergie nucléaire.
Museum d’Histoire naturelle d’Autun,
1975.
R.
BOULISSET. Les forges
de Mesvrin. Académie François Bourdon, Le
Creusot, 2001.
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