De tous les
territoires à l’ossature si fermement
charpentée dont la marqueterie compose
la
Bourgogne méridionale, le plateau
d’Antully n’est pas, sans doute, le
plus pittoresque ni le plus
original, mais il n’en est pas de plus secrets,
d’aussi étranges, en sa mélancolie
d’arrière-saison, d’aussi forts
quand passent sur lui les tornades
d’hiver. Un air de Dombes, sans les grandes balafres
du ciel, toutefois, cisaillées
par les vols tendus des oiseaux
migrateurs, et sans ces halos d’opale irisant
la moire des étangs ; quelque chose
de la
Sologne ou des
brandes berrichonnes, mais avec
plus d’espace ; un mystère de Grand
Meaulnes.
Raymond
Oursel
Intercalé
entre deux dépressions, celle de l’Arroux à l’ouest,
celle de la
Drée au nord, et deux
reliefs que tout oppose, les monts granitiques de
l’Autunois au sud et les
collines argilo-calcaires du
Couchois à l’est, le plateau d’Antully passe pour être
l’un des pays les plus austères
de Saône-et-Loire : par
son climat d’abord, dont la
rudesse lui vient moins de son altitude qui culmine à
600
m, qu’à ses horizons tabulaires
sur lesquelles viennent fondre les
nuées descendues du
Morvan ; par ses paysages ensuite, composés
d’immenses forêts enserrant des
clairières de prairies humides,
parsemées de hameaux posant çà et là quelques
toits d’ardoises autour d’un
« pâquier » communal.
La
fréquentation familière de ce plateau peut nuancer
l’impression immédiate et peut aussi
varier selon le lieu :
sensation d’oppression ou de protection à
l’approche des lisières forestières, conviction
d’être sur de hautes terres
quand la vue tout à coup dégagée à
la faveur de quelque éminence, porte loin vers
d’autres pays : chaumes
d’Auvenay, Charolais, et même
Mont-Blanc ; le panorama du haut des Garennes, au
sud-est d’Antully, est à cet
égard l’un des mieux dégagés.
Quoi qu’il en soit, la vie n’a jamais dû être
très facile ici, et n’aurait su
s’accommoder d’hommes
indolents : terre d’exigence physique, donc
d’exigence intérieure, liée à trois
éléments naturels, piliers sur
lesquels l’âme du pays et de ses habitants
repose : la pierre, l’eau et le
bois.
La
meilleure façon de situer géographiquement le plateau
d’Antully est de l’observer depuis
l’un des belvédères du Couchois,
monts de Rème ou de Rome-Château :
socle hercynien granitique arasé, puis soulevé,
immense dalle de grès de
6 000 hectares
inclinée vers le sud-est, vieille de
plus de 200 millions
d’années, sur laquelle se sont figées
les empreintes géologiques de la plage
triasique : ondes de
courant marin d’une mer peu profonde, traces de
petits dinosaures herbivores parcourant
la lagune. Le socle cristallin
lui-même ne réapparaît qu’au flanc des
vallées encaissées : Drée, Rançon, Mesvrin.
La carapace calcaire des temps
jurassiques ne subsiste en
revanche qu’autour du bourg d’Antully.
La pierre
essentielle, un grès arkose, est dite ici
« lusière » par analogie à la
pierre calcaire qui est
« lavière », c'est-à-dire qu’elle
peut s’extraire en plaques plus ou moins
larges, plus ou moins
épaisses ; le mot de « leuse »
surgit à travers le nom de la forêt de
Pierre-Luzière (Auxy), dans
celui de l’ancienne paroisse de
Saint-Jean-de-Luze, aujourd’hui Saint-Emiland, et
peut-être dans celui de Lusigny,
hameau de Tintry, où l’on montre
des empreintes d’extraction au pied même des
maisons.
Est-ce un
symbole si les deux accès occidental et oriental du
plateau étaient marqués de pierres
dressées ? Celle d’Auxy a
disparu, mais les menhirs d’Epoigny,
« cathédrale de la préhistoire », ont
été relevés après de patientes
recherches ; même s’ils lui
sont bien antérieurs, les deux sites jalonnaient un
très vieil itinéraire, l’axe éduen
de la Saône
à la
Loire par Autun et Bibracte, repris par
la voie Agrippa de Lyon à la mer
du Nord.
Alors que
ces pierres semblent sortir du sol, d’autres
seraient tombées du ciel, si l’on en croit
la légende, comme ces tombeaux
taillés dans les carrières du
plateau envoyés pour inhumer saint Emilien, évêque de
Nantes, et ses 20 000 soldats
chrétiens venus livrer ici leur
dernier combat contre les Sarrasins.
Tout aussi mystérieuse reste cette pierre
Guenachère sur laquelle la
légende, encore elle, veut voir la forme
d’une miche de pain envoyée aux compagnons
d’Emilien, à deux pas de la
fontaine près de laquelle ce dernier
succomba, dit-on, et dédiée à saint Emiland ;
un pèlerinage y attire encore
chaque été, autour du 22 août,
de nombreux fidèles venus assister à une messe en
plein air.
Des érudits ont
fait depuis longtemps un sort à la
légende, montrant que le culte
qui a fait changer le nom de la paroisse de
Saint-Jean-de-Luze en Saint-Emiland n’était
pas antérieur au 16e siècle,
sans parler de la confusion
entre Emiland-Emilien avec un évêque nantais nommé
Similien ; mais des recherches
récentes veulent démontrer que
les récits du 16e siècle auraient été
inspirés par les exploits d’Artur contre les
Romains, tels qu’a pu les
interpréter Etienne de Bourbon, un
dominicain venu enquêter au 13e siècle sur les lieux,
et à la suite des récits
publiés par Geoffroy de Monmouth
et Chrétien de Troyes au 12e siècle. Quoi
qu’il en soit, quand le moine-chroniqueur
Mabillon passe au village en
1682, la légende est bien ancrée : on
lui montre les sarcophages tombés du ciel
ayant servi à inhumer les
chrétiens, et bien sûr la sépulture
primitive de saint Emilien, la chapelle funéraire
qui existe toujours au milieu
du cimetière. Au 19e siècle,
l’archéologue Bulliot voyait là un dépôt de tombes
extraites des carrières du pays et
placées en dépôt le long de la
voie d’Agrippa ; les archéologues
actuels penchent pour l’existence d’une nécropole
antique, puis mérovingienne.
La pierre
Guenachère, sur laquelle apparaissent en vérité
des traces d’extraction de meules,
pourrait servir d’emblème au
plateau. Mais le merveilleux est inscrit
dans la roche en bien d’autres lieux :
empreinte du cheval de saint
Emilien à la fontaine du Fou ; pas
du cheval Bayart, monture fabuleuse d’une chanson
de geste médiévale, aux
Germenets sur le rebord sud du
plateau ; non loin de là, une cavité nommée la
« grotte sarrasine »
surplombe la vallée du Mesvrin.

Ici, de
tout temps on a cassé la dalle de grès, et les
carrières du pays ont fourni les matériaux
pour les monuments d’Autun :
carrières d’Auxy pour les édifices
romains, carrière des Crots pour la cathédrale ;
ailleurs on a extrait des
sarcophages (carrière du Pont
d’Argent à Saint-Emiland), on a taillé des bornes, des
stèles gallo-romaines, des
sculptures
que l’on peut admirer au
musée Rolin ou au musée
lapidaire Saint-Nicolas (carrières de la
Noue à Antully,
de la Pissoire à
Saint-Sernin-du-Bois). D’autres encore ont
fourni la pierre pour
la Fonderie royale du Creusot
du 18e siècle (carrière de
la Pierre au Chat à
Saint-Firmin). Au milieu du 19e siècle,
plusieurs sites se spécialisent
dans la fabrication de pavés, et
spécialement du « parisien » pour la capitale
(La
Charbonnière, Repas,
La
Noue, les Grosliers, La
Pissoire) : en 1900, cette
industrie occupe au moins 130 ouvriers
autour d’Auxy qui produisent
près de 500 000 pavés pour la ville de
Paris ; un bon ouvrier pouvait en
tailler une tonne par
jour !
Echo
moderne du pavé romain... Dans la rampe de la forêt de
Montchauvoise, pour la
« vieille route » qui
n’est probablement autre que la grande chaussée
d’Agrippa, les vieux pavés antiques se
mêlent à ceux que l’ingénieur
Emiland Gauthey fit placer au 18e siècle,
malgré les protestations des habitants d’Auxy
qui tenaient au tracé par le
défilé de la
Creuse, et qu’emprunte depuis 1830 la
route de Chalon à Autun. Plus au
sud, la voie de Mâcon et de
Tournus à Autun, protégée par la forêt mais pas
des dégradations causées par les engins
forestiers modernes, conserve sa
levée et son hérisson de pierre
sur une dizaine de kilomètres, parfois enfouis sous le
goudron ou bien sous l’eau des
étangs du Martinet et de
la
Noue.
Mais
« l’or » du pays fut peut-être ce minerai que
l’on trouvait en surface ou sous
la forme de « chapeaux de
fer » comme les nomment joliment
les géologues ; on en voit parfois la trace
sur ces curieuses « pierres
qui rouillent » sur la
crête de la forêt des Feuillies à Auxy, ou dans les
chaos rocheux des bois de
Saint-Sernin. La présence de ce
minerai permit l’établissement, aux 17e et 18e
siècles, des premières fonderies et
forges qui préfigurent la grande
aventure sidérurgique du
Creusot.
Les forêts
qui couvrent environ la moitié du plateau, sont
d’origines très diverses. L’une, dont le
nom ne s’est pas perpétué
jusqu’à nous, est mentionnée au 9e siècle
comme silva centuperas et aurait marqué, selon
l’érudit chanoine Chaume, la
limite des pagi d’Autun et de
Beaune ; elle pourrait correspondre à l’actuel
massif de Pierre-Luzière, aux confins
d’Auxy et de Saint-Emiland.
Les ducs de
Bourgogne possédaient eux-mêmes de vastes
territoires boisés, telle cette forêt de
Planoise, devenue royale, puis
domaniale, la plus vaste de
Saône-et-Loire (5 000
ha). Et l’on
voit quelquefois le duc faire don d’un canton
forestier au profit d’une
abbaye, comme ce fut le cas pour la
forêt de Prodhun à Antully offerte à l’abbaye
cistercienne de Maizières installée
dans la basse vallée de
la
Dheune par Hugues III en 1174. D’autres
appartenaient à l’évêque qui
partageait celle des Battées
(Auxy et Sully) avec le prieur du
Val-Saint-Benoît ; le Chapitre de la cathédrale
(bois des Feuillies), l’abbaye
Saint-Martin d’Autun (Bois du
Pont d’Ajoux), le prieuré de
Saint-Sernin-du-Bois, exerçaient leur emprise sur des
étendues boisées considérables.
D’autres
forêts dépendaient des seigneuries laïques
voisines : Sully, Epiry, Montjeu,
Brandon. Certaines sont
demeurées au 19e siècle entre les mains
de grandes familles, comme les
Talleyrand-Périgord à Montjeu et
les Carrelet de Loisy à Epiry ; parfois
elles furent démembrées, tombant entre les
mains de riches propriétaires,
tels les Ozanon qui possédaient de
grands domaines viticoles dans la
Côte
chalonnaise ; d’autres furent concédées aux
communautés avant la Révolution moyennant le
rachat des droits d’usage (forêts
communales d’Auxy et de
Saint-Emiland) ; les forêts saisies comme bien
national sont devenues domaniales
(forêt de Saint-Sernin, bois de
Saint-Martin).
En vertu de
la grande « réformation » des forêts
de 1661, arrêts et ordonnances se
succédèrent pour faire arpenter
les bois royaux, mais aussi les autres,
et constituer des réserves de bois pour
la
Marine nationale. Aujourd’hui, il est
plus facile de repérer d’anciennes
bornes armoriées, témoins de
ces anciennes délimitations ou des litiges
qui pouvaient survenir, que des arbres
remarquables signalés jadis sur
les vieilles cartes. Ainsi en est-il
de la ceinture de bornes à fleur de lys conservées
aux limites de la forêt de
Planoise, ou de la quinzaine de
bornes alignées dans la forêt des Battées, portant la
crosse de l’évêque d’un côté et de
l’autre la tête mauresque qui
figure dans le blason des Morey,
seigneurs de Sully. C’est dans le village même d’Auxy
qu’il faut aller voir le plus
vieil arbre du plateau, un
tilleul attribué comme partout au ministre d’Henri
IV. Un autre tilleul plus modeste
mais de belle allure, proche
d’un calvaire, marque l’approche de la
maison-forte à la sortie du bourg d’Antully vers
Autun. Parfois, à peine un
arbre est-il repéré dans un guide
des arbres remarquables (Alain Desbrosse, Editions de
L’Escargot Savant, 2014) qu’il
est déjà coupé : tel fut
le sort du douglas du Martinet, l’un des plus
grands de
Saône-et-Loire.

Les anciens
avaient une connivence avec la forêt dont nous
n’avons plus idée. Les cahiers
paroissiaux regorgent de
naissances d’enfants nés de parents
« baraqués » dans les bois, car ces
derniers font travailler de
multiples corps de métier, et il
n’est guère de familles du plateau qui n’ait eu,
jusqu’au 20e siècle, au moins un de ses
membres vivant du bois, d’une
manière ou d’une autre. Une sorte
d’atavisme les attachait à des droits révolus : il
est singulier de voir en 1882 la
municipalité de
Saint-Sernin-du-Bois réclamer à l’administration des
forêts ceux qu’accordaient les
anciens titres de
1754 !
La forêt a
ses « meurgers blancs » qui sont en
fait des pierriers naturels résultant de la
fracturation de la dalle de grès
à l’époque glaciaire ;
recouverts de lichens colorés, ils parent la forêt de
belles couleurs, même en plein
hiver. Celle-ci a d’ailleurs son
« jardin botanique » avec lys
martagon, drosera, prêle, à Canada (Auxy) dans
les bois de Repas - dont le nom
évoque sans doute un
« rompas » ou défrichement médiéval. La forêt
connut ses grands chemins,
impensables aujourd’hui :
sait-on qu’au 17e siècle, ravivant
un itinéraire vieux de 20 siècles, on passait encore
par « l’effroyable »
gorge du Pont du Roi
(Tintry/Auxy), dont une arche subsiste en aval du
barrage ?
La forêt
eut ses loups que rappellent les récits de la
croix Charreault (Antully) et de la croix
Fichot (Saint-Sernin), élevées
par des paysans à qui les
siècles avaient transmis la peur des loups. La forêt eut
ses princes : François 1er
vint chasser en Planoise en
1521 ; le marquis de Foudras vint
débusquer le sanglier à Prodhun avec les
« gentilhommes chasseurs » du
voisinage. Mais en 1881, un
lieutenant de louveterie vint porter un coup
mortel au régisseur de Montjeu… au sabre,
car il s’agissait d’un
duel ; l’affaire fit grand bruit,
car le louvetier qui s’appelait Asselin, était le
beau-frère d’Henri Schneider, le
patron du Creusot. La forêt eut
ses princesses d’un jour : la célèbre
allée forestière de l’Epousée entre Fragny et
Auxy fut, dit-on, inaugurée à
l’occasion du mariage d’une jeune
fille de Broye ayant trouvé mari sur le
plateau.
La forêt
connut ses ogres : la forge des Baumes à
Antully, le fourneau de Champitaux
(Saint-Firmin) au 17e siècle, et
les verreries de Chailly et de Prodhun
au 18e siècle engloutirent de grandes quantités
de bois ; pendant
la Révolution, la fonderie de
Saint-Emiland avala même toutes
les cloches du pays. Il y eut
même des « grosliers » pour dévorer les
foyards (hêtres) servant à fabriquer
des « gros », sortes
de jattes en bois. Sans oublier
« le » Jean Thomas, négociant en
balais de bouleau, dernier ermite à vivre
dans une hutte de la forêt de
Saint-Sernin vers 1935. La forêt
accueillit aussi ses martyrs, que rappellent au
souvenir du passant les monuments de
la
Résistance de l’Epousée et de
Visigneux.
L’eau
suinte et stagne partout. Du plateau elle s’écoule soit
vers le nord sur le bassin de
la Drée, par la
Digoine et la
rivière du Pont du Roi, soit
vers le sud sur le bassin du Mesvrin par le Rançon
et le ruisseau de Saint-Sernin, soit
encore directement vers
l’Arroux par la
Creuse d’Auxy et le
ruisseau de la Fée
(Faye). Une infime partie glisse
vers la Dheune par la
Vielle de
Couches, car la ligne de partage
Atlantique-Méditerranée n’effleure le plateau
que vers Epoigny. Calmes et hésitantes
tant qu’elles ruissellent sur
le plateau, ces eaux prennent des
allures de vrais petits torrents quand elles
s’échappent par les étroites
gorges qui entaillent le
socle : longue de cinq kilomètres, celle de Canada,
en partie comblée par le réservoir
du Pont du Roi, reste la plus
sauvage ; avec ses deux cents mètres
de dénivellation sur quatre kilomètres, celle
du Rançon est la plus
spectaculaire, notamment au Pont d’Ajoux.
Chaque
hameau a sa source et son « gour » (trou à
usage de lavoir), chaque
« pâquier » a sa
mare ; chaque prairie dissimule sa
« mouille » ou son
« grenouillat ». Mais
les édifices liés à l’eau (lavoirs, fontaines,
abreuvoirs) restent modestes. Récemment
restauré, celui de
La
Vacherie, à Saint-Emiland, occupe un
site bucolique caractéristique du
plateau. Certaines sources
connaissent un débit exceptionnel : la
fontaine du Fou alimente une partie de la
commune d’Antully ; les
citadins viennent volontiers
prendre de l’eau à la fontaine du Bois-Mathey (Fragny)
ou à la
Fontaine Sainte de
Saint-Sernin. Cette dernière
rappelle par son nom, comme
ailleurs en Morvan, que le culte animiste des eaux
restait vivace aux temps
chrétiens ; chaque
village avait la sienne : celle de Saint-Emiland
déjà évoquée, les fontaines
Saint-Benoît à Antully,
Saint-Germain à Tintry, Saint-Antoine à Auxy et à
Prodhun.
Aux 19e et
20e siècles, le plateau est devenu le château
d’eau des villes alentour, notamment Le
Creusot avec ses machines à
vapeur insatiables. Depuis la première
dérivation de Saint-Sernin en 1862, il a coulé
beaucoup d’eau dans les
aqueducs, souvent réalisés au prix de
travaux titanesques, à partir des réservoirs de
Saint-Sernin (1899 et 1921), du
Martinet (1905), de
la
Noue (1916), du Haut-Rançon
(1931) ; auxquels on peut ajouter ceux
du Pont du Roi (1960), et de
Brandon (1966), ces derniers récemment
mis en réseau pour alimenter Autun, Epinac et le
Couchois. Le grand barrage de
Planoise, plusieurs fois mis à
l’étude par Schneider, est resté à l’état de
projet, une dernière fois après la
sècheresse de 1976.
Les étangs
restent encore nombreux, souvent créés à
l’initiative des abbayes et prieurés aux 15e et
16e siècles. Un grand nombre se
concentre autour de la terre de
Prodhun, et ne subsiste parfois que par une digue
impressionnante dans la forêt (Images
de S&L n° 116, 1998). Parmi
les étangs destinés à produire la force
motrice nécessaire aux forges, moulins et
foulons, ne demeurent guère que
ceux de Saint-Emiland et de
Champitaux.

Plans d’eau
et forêts constituent autant d’attraits pour les
citadins du Creusot et d’Autun.
Cependant, le plateau reste à
l’écart des circuits touristiques et conserve
son caractère secret, voué aux solitudes.
C’est à peine si la voie du
T.G.V. de Paris à Lyon en trouble la
sérénité : premier véritable obstacle depuis
le bassin parisien, trouvant
entre Tintry et Epiry le point
culminant de son parcours, elle vient en heurter
la masse compacte, qu’elle aborde par
le viaduc de la
Digoine, le
plus grand ouvrage d’art de
toute la ligne, que prolonge une longue saignée dans
les grès triasiques ; pour
construire la voie, on a rouvert
les carrières à pavés et à sarcophages du Pont
d’Argent.
L’habitation
rurale des « pile-avoine » - surnom bien peu
flatteur donné aux gens du
plateau par ceux des bourgs
voisins - est proche de celle du Morvan : bâtiment
unique couvert d’ardoises ;
on peut regretter la disparition
à peu près générale des
« pâquiers » avec la mare, la fontaine et le
« gour » qui
accompagnaient chaque
hameau ; quelques pignons à pas-de- moineau en
dalle de grès sont conservés sur les
marges. Seuls les imposants
bâtiments agricoles construits par Edouard
Carrelet de Loisy pour son immense domaine
foncier échappent au modèle
ancestral. Les grandes maisons de
maître de La Croix
Brenot, du
Marquisat, du Fourneau et de Mardor évoquent un temps où
de vieilles familles
aristocratiques ou des bourgeois
entreprenants, férus d’agronomie ou d’industries
nouvelles, ne
voulaient pas croire à la fatalité d’un pays
ingrat ; les maîtres de forge et
ingénieurs du Creusot, les
éleveurs de bovins sur prairies
artificielles sont leurs dignes successeurs. Ici, pas de
monuments : les châteaux
d’Epiry, Digoine et Brandon sont
cantonnés à la périphérie, de même que le
prieuré du Val-Saint-Benoît. Les fermes
fortifiées de Villard et de
Chailly, la chapelle de Repas jettent
l’ombre de leur silhouette étrange sur le bocage.
Eglises et édifices communaux
participent à l’austérité
ambiante, et c’est bien souvent la pierre qui vient
apporter la touche raffinée :
pilastres cannelés de l’église,
croix du cimetière à Saint-Emiland, décor
sculpté des baies de l’école d’Auxy, tourelle
d’escalier de La
Croix
Brenot.
Forêt,
pierre, eaux demeurent donc les seules parures du
plateau. Et sa richesse est peut-être
encore enfouie, des prospections
ayant estimé à des millions de tonnes
les réserves de fluorite, l’un des plus
importants gisements d’Europe.
Le plateau, qui a jadis fourni le
minerai et le combustible des premières forges, ainsi
que l’eau nécessaire pour la force
motrice, n’en a pas peut-être
pas fini avec l’histoire industrielle du pays.
Orientation
bibliographique
La base de
la documentation pour le plateau reste les
archives et les Mémoires de la
Société Eduenne
d’Autun, ainsi que les bulletins des
Sociétés d’Histoire naturelle
d’Autun et du Creusot : impossible d’en
citer ici toutes les références.
Les sources
sont bien souvent liées aux études consacrées
à :
-
l’Antiquité gallo-romaine pour Autun et sa région ;
- aux
recherches médiévales relatives aux biens
d’Eglise : mense épiscopale, chapitre
cathédral, abbayes autunoises,
abbaye de Maizières, prieuré de
Saint-Sernin-du-Bois, etc.
- aux
recherches médiévales relatives aux droits féodaux
des seigneuries voisines :
Montjeu, Sully, Epiry, Brandon,
Couches ;
- aux
travaux dédiés à l’histoire industrielle du bassin
creusotin : forges de
Champitaux, Bouvier, Mesvrin,
Les Baumes, Saint-Emiland.
Les
monographies de N.M. Père, complétées par les bulletins
de la
Société des Amis du Passé du Plateau
d’Antully, constituent une bonne
introduction à la mémoire du
pays par le recueil de la mémoire vivante du
plateau auprès des anciens (patois,
légendes,
traditions).
Le présent
site offre lui-même plusieurs références sur des
sujets ponctuels.
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