NOTE SUR LA VOIE ANTIQUE DE MACON A AUTUN  

NOTE SUR LA VOIE ANTIQUE

DE MACON ET DE TOURNUS A AUTUN

A SAINT-SERNIN-DU-BOIS

 

Conservation, protection et mise en valeur de la voie

 

      Le réseau gallo-romain du nord de la Gaule, au temps de l’empereur Auguste (Ier siècle après J.C.), doit être lu à partir de Lyon, capitale des Gaules. De ce point de vue, l’axe remontant le val de Saône se divise en deux branches à partir de Chalon : l’une dirigée vers le Rhin, l’autre vers la Mer du Nord par Autun et Sens.

 

Cependant, pour des raisons stratégiques ou administratives, des itinéraires secondaires tendent à raccourcir la distance de ce dernier itinéraire, en évitant le « coude » chalonnais, voire celui d’Autun après la ruine de cette ville consécutive aux invasions barbares du IIIe siècle. Tel semble être le cas des deux voies tirées depuis les castrums de Mâcon et de Tournus : deux branches en fait qui se rejoignent à Lancharre, pour ne former qu’un seul chemin qui se dirige vers Autun en franchissant successivement la Grosne au pont d’Epinet, la Guye près de Cersot, la Dheune près de Saint-Julien, avant d’atteindre les plateaux autunois. La voie de Mâcon et de Tournus à Autun ne figure sur aucune des cartes-itinéraires de référence - Itinéraire d’Antonin et Table de Peutinger -  mais l’importance des vestiges conservés jusqu’à nos jours ne laisse aucun doute sur son tracé.

 

1. Historique des recherches.

 

Les voies antiques du pays éduen, dont les premières études connues remontent au 18e siècle, ont suscité d’actives recherches de la part des érudits du siècle suivant. Cependant, la voie dont il est ici question a tardé à être perçue dans son ensemble, les chercheurs mâconnais, chalonnais et autunois ayant prospecté sans concertation et à des époques différentes. Pour l’Autunois, la référence incontournable est la collection des carnets d’observation des érudits de la Société Eduenne d’Autun (Laureau de Thory, Roidot-Errard, Roidot-Deléage).

Il aura fallu attendre le milieu du 20e siècle pour que l’archéologue beaunois Emile Thévenot, auteur de la première synthèse sur le réseau routier éduen, apporte sa clairvoyance sur le sujet. Toutefois, faute d’une enquête approfondie sur le terrain, l’auteur s’est laissé tromper par des arguments douteux quant au détail du tracé.

 

Depuis une vingtaine d’années, la reprise systématique de toutes les sources documentaires disponibles, parfois ignorées des érudits du 19e siècle, de nouvelles prospections minutieuses par des archéologues ou des chercheurs chevronnés, permettent de définir aussi précisément que possible, jusqu’en ses lacunes, le tracé intégral de la voie. Les reconnaissances au sol complétées par les prospections aériennes, paraissent actuellement concordantes.

 

 Vestige de la voie en forêt de Planoise  (levée empierrée)

 

2. Tracé et vestiges de la voie.

 

Dans la traversée du plateau d’Antully, la forêt semble avoir eu un rôle éminemment protecteur. En effet, de Saint-Sernin-du-Bois jusqu’au parc de Montjeu, soit sur une dizaine de kilomètres, la voie se présente sous la forme d’une levée empierrée souvent spectaculaire d’une largeur moyenne de 6 mètres, fossés compris. A l’exception de la traversée d’une zone marécageuse dans le secteur de l’étang de la Noue et d’un passage accidenté dans la gorge du Rançon, qui ont nécessité une succession de lignes brisées, la voie conserve de longues sections rectilignes conformes à ce type de voirie. D’autres sections de la voie sont également conservées en forêt domaniale du Mont-Saint-Romain et de Chapaize.

 

      

             Dessin d’une coupe de la voie.

             (Archives de la Société Eduenne)

 

Sur le territoire de la commune de Saint-Sernin, la levée est conservée sur 400 mètres environ, entre le hameau de La Bruyère et l’ancienne maison forestière de La Croix Fichot,  où son emprise  est bien visible à travers la forêt domaniale, à quelques dizaines de mètres au sud de la route vicinale n° 2. Un dessin conservé dans les archives de la Société Eduenne  montre une coupe de la voie réalisée au 19e siècle : elle forme un massif compact de quatre assises formées de blocs assez réguliers, sur lesquelles repose une dernière assise composée d’un mélange de terre et de petites pierres ; la largeur de la voie, bordures et fossés compris, mesure 6, 20 m.

 

Actuellement, les vestiges les mieux conservés de la voie, entre la dernière maison de La Bruyère et la route forestière des Germenets, s’élèvent plus ou moins (10 à 50 cm) au-dessus du sol environnant ; la pente naturelle du terrain vers l’est a été rachetée par la construction d’une levée plus importante (80 cm en moyenne) dont la masse imposante, à proximité des habitations de La Bruyère, a été entamée pour le tracé d’un sentier ; cette levée s’interrompt brutalement à son intersection avec la route. En surface, la voie présente un « hérisson » de pierre caractéristique constitué de petits blocs de grès posés sur champ.

 

        

           Détail du « hérisson » de pierre à Saint-Sernin-du-Bois

3. Conservation et protection de la voie.

 

C’est dans les zones d’habitat et de cultures que les vestiges de la voie ont subi les atteintes les plus irréversibles, jusqu’à la disparition partielle ou totale de tout vestige au sol. Comme on l’a déjà indiqué, la forêt a eu au contraire un rôle protecteur, la croissance des arbres n’entraînant apparemment pas la destruction systématique de la levée, que les moyens techniques d’exploitation de notre époque, notamment les puissants engins de débardage, mettent au contraire en péril.

 

L’attention de l’Office national des Forêts a été attirée dès les années 1990 sur les dégâts causés aux vestiges de la voie dans les forêts domaniales de Planoise et de Saint-Sernin-du-Bois. Périodiquement, des dégradations continuent d’être constatées, à défaut d’une protection spécifique.

 

C’est dans la traversée de la forêt domaniale que les mesures de conservation et de protection semblent devoir être mises en œuvre prioritairement, l’intervention sur le domaine privé paraissant a priori plus problématique. Il faudrait réfléchir à une action de conservation pour l’ensemble du tracé de la voie antique sur le secteur domanial, et une mesure de protection plus ponctuelle sur une section déterminée et limitée. Dans un souci d’efficacité et de pérennité, il faudrait sans doute envisager une protection juridique, qui pourrait être admise soit au titre de monument, soit au titre de site remarquable.

 

Ces mesures conservatoires peuvent être opportunément liées au projet d’aménagement de sentiers de découverte naturaliste et patrimoniale à créer à partir de l’ancienne maison forestière de La Croix-Fichot, à proximité de laquelle existe un tronçon bien conservé. Ce dernier présente en outre l’avantage de pouvoir être détaché de toute connexion avec les chemins du voisinage, afin d’éviter l’empiétement d’engins motorisés, tout en restant accessible (piéton) à partir de la route  communale.

 

D’une façon plus générale, la voie étant reprise sur de longues sections par des chemins ruraux, ou suivies par des tracés plus ou moins parallèles de la voie, on peut s’interroger sur la pertinence d’un plan de jalonnement de la voie, ou a minima d’une signalétique de quelques points remarquables - comme cela a été fait dans la forêt de Chapaize.

 

Références bibliographiques.

 

CHEVALIER, Les voies romaines, Picard, 1998. [la référence la plus complète sur le sujet]

 

DESSERTENNE, Alain, Chemins oubliés en pays bourguignons, L’escargot savant, 2012, p. 22-45. [Chapitre I dédié à la voie antique de Mâcon et de Tournus à Mâcon].

 

MESQUI, Jean, Chemins et ponts, lien entre les hommes, Rempart – Desclée de Bouwer, 1994, p. p. 16-37.

 

NIAUX, Roland. Notes sur l’histoire de Marmagne. 1984.

 

REBOURG, Alain. Carte archéologique de la Gaule. Saône-et-Loire. Errance, 1996. [Pour la partie autunoise de la voie, voir notices Essertenne, Le Breuil, Saint-Firmin, Saint-Sernin-du-Bois, Antully, Autun.]

 

THEVENOT, Emile. Les voies romaines de la Cité des Eduens. Latomus, 1969, p. 227-234.

 

 

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