PETITE HISTOIRE DES LATRINES
SCOLAIRES
On
ne peut séparer l’histoire et l’évolution des
« lieux d’aisances » de celles de la
« maison d’école » qui, de la loi Guizot
(1833) aux lois Ferry (1881-1882), va accompagner
l’effort de scolarisation des jeunes français. Pendant
ces cinquante années, la nécessité de construire des
écoles accompagne la demande d’instruction, devenue au
19e siècle une exigence à la fois sociale et économique.
La réponse à cette demande, par un Etat centralisateur,
s’exerce en contrepartie dans un esprit de contrôle de
l’individu. Le législateur va donc s’efforcer de garder
la haute main sur la construction scolaire et cela
de deux façons: élaboration de normes de plus en plus en
plus précises et contraignantes ; gestion
rigoureuse de l’effort financier qui doit accompagner le
mouvement.
1. L’ÉTAT CENTRALISATEUR ET LA MAISONS
D’ÉCOLE
Normes et budgets pour
contrôler les projets
architecturaux
Le
premier objectif aurait pu être atteint avec la
rédaction de recueils de plans-modèles, notamment ceux
d’André Bouillon sous
la Monarchie
de Juillet, de César Pompée sous le Second-Empire, enfin
de Félix Narjoux sous
la Troisième
République.
Mais ils n’eurent qu’une influence limitée. De plus, des
directives contradictoires émanent des ministères
successifs : tantôt on préconise l’uniformisation
(1848), tantôt on recommande de s’inspirer des modes
constructifs régionaux (ministère Fortoul sous le Second
Empire). Résultat : les architectes n’en font qu’à
leur tête ; ce sont avant tout des créateurs. On
recourt donc progressivement à la réglementation,
d’abord sous forme de recommandations techniques
(1855), puis finalement par un règlement d’une précision
implacable (1880).
Par
ailleurs,
la République ne fait plus confiance au
traditionnel Conseil des Bâtiments civils des
départements, où les architectes risquent d’être à la
fois « juge et partie », service d’ailleurs
vite débordé par l’afflux des projets scolaires. Ne
l’oublions pas, le 19e siècle est un siècle
bâtisseur : les communes construisent ou
reconstruisent à cette époque leur église, leur
presbytère, lavoirs et fontaines, parfois des halles, et
bien sûr leur mairie et leurs écoles ! Un service
du ministère de l’Instruction publique est donc chargé
d’examiner tout projet de construction scolaire
accompagné d’une demande de subvention. On vérifie si
tout est conforme aux normes (dimensions, volumes,
matériaux, mobilier, etc.). Par la suite on déléguera
une partie du travail aux inspections académiques,
l’administration devenant parallèlement de plus en plus
tatillonne au fil du temps : on contrôle avant,
pendant et après les travaux. On se méfie des
municipalités qui veulent s’offrir une belle salle de
mairie avec leur école (les devis devaient être
séparés) ; on chicane pour une fenêtre, une hauteur
de plafond, un mur de clôture, une corniche jugée
inutile, un cabinet qui manque, la pierre qui coûte
trop cher…
Second
point : l’État veille au grain, car cette
ultra-normalisation est la contrepartie d’un effort
financier croissant. Les lois Guizot (1833), Falloux
(1850) et Duruy (1867) avaient prévu des crédits non
négligeables pour aider les communes à s’équiper de
locaux scolaires convenables, mais la clé de voûte de
l’édifice est la loi du 1er juin 1878 qui crée
la
Caisse pour la
Construction des Écoles. Pour la
première fois, un budget spécial de l’État est affecté à
cet usage, dans la logique de la stratégie de Jules
Ferry : si l’on veut rendre l’école obligatoire, il
faut d’une part la gratuité totale, d’autre part des
locaux en nombre suffisant. Mais il faut aussi des
édifices décents, car trop souvent encore, l’école est
tenue dans des immeubles improvisés, inadaptés,
insalubres ; on doit donc à tout prix convaincre
les parents que leur progéniture ne met pas sa santé en
péril par la fréquentation de l’école. Enfin - et par là
les Républicains « opportunistes » comme Jules
Ferry portent bien leur nom - l’école neuve va devenir
au cœur de chaque commune le symbole de l’idéal
républicain : c’est par la raison, donc par
l’instruction, que l’on pourra asseoir durablement
la
République.
Symbole que traduit fort habilement le
corps central de la mairie encadré par les deux ailes de
l’école de garçons et de l’école des filles, où
littéralement, l’école sert de piédestal à
la
République !
Reconnaissons-le :
malgré l’effort de standardisation, en dépit des
programmes soumis à des normes coercitives et à des
budgets fortement « encadrés », les
architectes ont su faire preuve d’imagination, car
malgré un certain « air de famille »,
l’architecture des écoles n’est pas aussi ennuyeuse et
répétitive qu’on l’affirme quelquefois.

Épertully
2. L’ÉDUCATEUR ET LE
MÉDECIN
Le concours de 1861 auprès des
instituteurs
Parmi
les acteurs dont l’influence inégale s’exercera sur la
maison d’école telle que le législateur la conçoit,
l’éducateur tient une bien faible place. À cet égard, le
concours lancé en 1861 auprès des instituteurs par le
ministère de l’Instruction publique constitue une
exception : « Quels
sont les besoins de l’instruction primaire au triple
point de vue de l’école, des élèves et du
maître ? » Les
1207 mémoires reçus ont fait l’objet d’une synthèse qui
montre un réel progrès par rapport à la grande
inspection lancée en 1834 par Guizot dans toute
la
France , laquelle avait alors dressé un
constat désespérant quant à la situation matérielle des
écoles.
En
1861, il reste plus de 1 000 communes sans école,
et plus de 10 000 d’entre elles se contentent
toujours de locaux loués ou prêtés. Les instituteurs
déplorent encore majoritairement l’insuffisance des
locaux (exiguïté, insalubrité), le mauvais état des
logements et du mobilier scolaire, l’insuffisance ou
l’absence de préaux, de latrines. Si beaucoup raillent
la négligence et l’indifférence des conseils municipaux,
beaucoup déplorent aussi le manque de pragmatisme des
architectes. L’expérience ne se renouvellera pas :
on ne donnera plus la parole aux usagers directs de
l’école. Mais les remarques de ces derniers à l’occasion
du concours de 1861, jointes aux rapports des
inspecteurs primaires, hommes de terrain faisant
remonter dans la hiérarchie la dénonciation des abus les
plus criants, contribueront à améliorer la situation, et
aboutiront à la réglementation autoritaire et
méticuleuse évoquée plus haut.
Les
grandes peurs du 19e siècle : l’eau, l’air, le
corps.
Ce
sont incontestablement les médecins, et notamment les
hygiénistes, qui ont inspiré, bien davantage que
l’architecte et l’éducateur, cette réglementation. À en
regarder les termes précis, cette dernière exprime
parfaitement les grandes peurs du 19e siècle en
matière de santé publique, dont l’État se préoccupe
presque autant que de l’instruction, et pour les mêmes
motifs : la demande économique et sociale ; le
contrôle de l’individu au bénéfice du corps
social.
Une
Commission d’hygiène des Écoles créée en 1882 publie
deux ans plus tard une véritable charte de l’hygiène
scolaire. Elle préconise en outre la création d’un corps
d’ingénieur sanitaires spécialisés. Plus modestement, un
Comité départemental d’hygiène sera appelé à donner son
avis sur les projets soumis à
la Commission
des bâtiments scolaires (après 1890).
Le
Dictionnaire de
pédagogie (1882-1893) élaboré sous la direction de
Ferdinand Buisson, sorte de bible de l’école
laïque,
consacre une large notice à l’hygiène scolaire.
Dans l’édition de 1911, à l’article « Maison
d’école », le mot hygiène revient six fois, auquel
s’ajoute les termes significatifs suivants : sain,
sanitaire, saleté, foyer d’infection, microbes, maladie,
salubrité, propreté, nettoyer, lavage antiseptique,
hôpital !
L’espace
scolaire recueille donc l’ensemble des grandes peurs du
19e siècle. Celles-ci concernent principalement
l’eau, l’air et le corps. L’eau tout d’abord, qui
concentre sur elles toutes les craintes morbides, qu’il
s’agisse de l’humidité atmosphérique, de l’eau
d’infiltration ou des eaux stagnantes. Les règlements
lui déclarent une résistance constante :
l’emplacement même de l’école doit être éloigné de tout
lieu humide (mare, marais, etc.) et le drainage du
sous-sol est vivement recommandé. L’édifice doit être
élevé sur des caves voûtées ou un vide sanitaire, et
l’utilisation de matériaux poreux est absolument
prohibée. L’eau bienfaitrice apparaît dans le règlement
de 1880 qui prévoit l’installation d’une fontaine avec
vasque dans la cour d’école ainsi que le nettoyage
régulier des latrines.
Selon
les théories « infectionnistes » antérieures
aux travaux de Pasteur sur les microbes, on est persuadé
que l’air est chargé de miasmes provenant de la
décomposition des matières organiques, et principaux
vecteurs des maladies. Aussi est-on attentif dans les
règlements au cubage d’air nécessaire pour une classe en
fonction des effectifs, et à son renouvellement efficace
par des ouvertures et une ventilation suffisantes. Les
poussières porteuses de germes sont également très
redoutées, aussi sont proscrites toutes dispositions
architecturales ou matériaux
qui en rendraient la chasse impossible (recoins
inaccessibles, plancher disjoints, etc.). Dans le même
ordre d’idée, l’éclairement maximal est considéré comme
un moyen indispensable de favoriser la salubrité de
l’école. Jusqu’au milieu du 20e siècle, dans la
perspective de lutter contre les maladies infectieuses
(tuberculose surtout), on en arrive à créer des écoles
avec des surfaces vitrées de plus en plus
importantes.
L’école
va être aussi le lieu du « dressage des
corps », perçu comme régulateur potentiel de
l’ordre social. De nombreux traités de médecine
hygiéniste vont s’intéresser aux attitudes vicieuses du
corps de l’écolier qu’on prétend discipliner ou
rectifier : les recherches concernent au premier
chef le mobilier scolaire, pour lutter contre les
déformations réelles ou supposées de la colonne
vertébrale à l’école ; en second lieu l’éclairement
naturel ou l’éclairage artificiel, pour conserver une
bonne vue à l’enfant et le préserver de la myopie. Peu à
peu l’intérêt de la gymnastique apparaît incontournable,
ainsi que les locaux et le matériel réservés à sa
pratique.
Enfin,
il importe de prévenir la manifestation des instincts.
À cet égard, en dehors des salles d’asile et des très
petites écoles rurales, la mixité n’est pas tolérable.
Quand la cloison est supprimée (1880), garçons et filles
seront groupés séparément dans la classe (les garçons
devant, les filles au fond). Bien entendu, entrées,
corridors, cours et cabinets maintiennent une stricte
séparation des sexes.
Naturellement,
ce sont les « lieux honteux » qui vont
faire l’objet d’une vigilance particulièrement sévère.
D’abord on tente de remédier par leur disposition à
leurs effets indésirables : odeurs, inconfort,
morbidité supposée. Mais en même temps, il ne faut pas
en faire des lieux que l’on cache, au contraire :
tous les règlements insistent sur leur surveillance sans
relâche par le maître, depuis tous les points de
l’école. De quoi s’agit-il ? En premier lieu, de
réprimer sans pitié l’incontinence et la souillure
intentionnelle ou non, qui risquent de compromettre
l’hygiène élémentaire de l’enfant et le bon ordre de la
classe. D’autre part, la crainte de l’accident au bord
de la fosse ouverte sous les pieds de l’enfant explique
le soin avec lequel on définit les normes dans les
moindres détails (dimensions et formes du siège,
matériaux, systèmes d’évacuation, etc.). Enfin, il
s’agit de prévenir toute dérive jugée perverse :
absentéisme injustifié pour échapper aux tâches
scolaires, aux punitions, et surtout, combattre la
grande peur obsessionnelle du 19e siècle : la
masturbation. Depuis la publication d’un ouvrage sur le
sujet par un certain docteur Tissot à la fin du
18e siècle, les habitudes onanistes de l’enfant
sont en effet considérées comme un fléau, vecteur
d’innombrables maladies, qu’il convient d’éradiquer.
Dans
la pratique, en dépit des règlements et des
remontrances de l’administration par le biais des
rapports d’inspecteurs, « les lieux honteux »
resteront longtemps négligés : par les architectes,
qui persistent à les dissimuler dans des recoins
échappant plus ou moins au contrôle de l’enseignant ;
par les communes, qui mettent peu de zèle à leur
entretien, selon les règles prescrites par les
hygiénistes, et que l’absence d’eau courante ne facilite
d’ailleurs pas. Les administrés eux-mêmes, notamment
dans les campagnes, où le contact permanent avec la
nature dédramatisait bien des choses, n’y attachent pas
à vrai dire une grande importance.
3. ÉVOLUTION DES LIEUX D’AISANCES
Les petites écoles sous
l’ancien Régime
L’aménagement
des lieux d’aisances dans les écoles est sans doute
aussi ancien que l’idée même d’organisation de ces
écoles. L’un des plus anciens textes à se préoccuper du
sujet est l’Instruction méthodique pour l’école
paroissiale, paru en 1685, où l’auteur, un prêtre
parisien nommé J.R. Batancourt,
écrit : « Ces
lieux doivent être fermés ; il doit y avoir un
petit siège haut de quinze pouces pour s’asseoir :
& de peur que les enfants ne montent dessus, &
ne tombent dans le trou, il faut mettre une barre ou un
bâton de bois, de travers au milieu : il doit y
avoir un pot de terre attaché avec une corde pour
uriner dedans, & le renverser dans le trou
ensuite. »
Dans
la
Conduite des Ecoles
chrétiennes, rédigée au début du 18e et publiée en
1720, J.B. de La Salle déclare : « Il faut
aussi faire ensorte qu’il y ait des commoditez pour les
enfants, y ayant de grands inconvéniens qu’ils aillent
dehors dans les rues. »
Les écoles d’enseignement
mutuel
Sur
un principe importé d’Angleterre où le pédagogue
Lancaster (1778-1838) en avait défini les méthodes dans
les moindres détails, l’enseignement mutuel parut
pouvoir répondre après 1815 à l’immense besoin
d’instruction dont les petits français avaient besoin.
L’expérience, tentée surtout en ville, restera sans
lendemain après 1830. Le système devait fonctionner
avec un seul maître assisté de moniteurs, en réalité les
élèves les plus avancés, dans des locaux extrêmement
vastes pouvant contenir jusqu’à 200 élèves. En
France, des pédagogues se chargèrent de diffuser la
méthode d’enseignement mutuel et les conditions
matérielles de son organisation. Le préau, absent de
toutes les prescriptions antérieures, y apparaît pour la
première fois avec une triple fonction : rassembler
les enfants avant la classe ; autoriser des moments
de récréations ; contenir les lieux d’aisances. Il
est précisé que ceux-ci, dont l’implantation ne peut en
aucun cas incommoder la classe, doivent être situés de
façon à ce que le maître puisse de sa place –
invariablement fixe à son bureau – surveiller par une
fenêtre les enfants qui s’y rendent.
Le premier recueil de
plans-modèles
En
1834, paraît chez Hachette le premier ouvrage consacré
à l’architecture scolaire, De
la construction des maisons d’école
primaires. Dans
ses commentaires sur les Détails
de distribution et d’exécution,
l’auteur A. Bouillon consacre un court paragraphe
aux latrines : « Le
maître doit pouvoir les surveiller de sa place. Pour les
enfants, le siège entraîne désagréments et même dangers.
Il est préférable d’y substituer des ouvertures à fleur
de sol. On obtient ainsi d’ailleurs une plus grande
propreté. »
Les instructions de
1858
Davantage
inspirés par l’hygiéniste que par l’architecte, les
règlements pour la construction des écoles au
19e siècle se succèdent au fil des régimes
politiques. Curieusement, ce sont les salles d’asile,
ancêtres des écoles maternelles, qui bénéficieront du
premier décret (22 mars 1855) relatif à la
disposition des locaux scolaires. Ce n’est qu’en 1858
que des instructions précises et pressantes concernent,
pour la première fois, les écoles élémentaires.
L’inspirateur en est un architecte au nom d’empereur,
auteur de plusieurs recueils de plans-modèles, César
Pompée. D’abord, l’arrêté ministériel du 14 juillet
exige le plan des travaux à exécuter à l’appui de toute
demande de subvention. Puis, la circulaire du
30 juillet impose des dimensions et des
dispositions applicables à tous les locaux scolaires.
C’est alors qu’est exigée la fameuse cloison entre
garçons et filles dans les classes mixtes.
[voir
Annexes] (Lien)
Le règlement de
1880
Les
recommandations de 1858 resteront en vigueur jusqu’à la
publication de l’instruction la plus pointilleuse en
matière de construction scolaire : le Règlement
pour la construction et l’ameublement des maisons
d’école daté
du 17 juillet 1880. L’auteur est un théoricien
de l’architecture publique, Félix Narjoux, proche de la
pensée rationaliste de Viollet-le-Duc. Architecte de
la Ville de Paris, il s’est fait connaître
par la publication de nombreux recueils de
bâtiments-modèles communaux. D’origine chalonnaise, il
prend parfois des exemples d’édifices (Cheilly,
Fontaines, Étrigny…) conçus par son père Lazare Narjoux,
concepteur de nombreuses mairies, écoles et églises en
Saône-et-Loire. Au ministère de l’Instruction publique,
son service est chargé de vérifier la conformité des
projets avec la réglementation. Il procède parfois à des
arbitrages en cas de concurrence entre plusieurs
projets municipaux.
[voir
Annexes]
Dessin de Félix
Narjoux, extrait du recueil de 1877
La
Commission d’hygiène scolaire
(1882) et la
Commission sanitaire
(1902)
Créée
par arrêté du 24 janvier 1882, cette
institution rend ses conclusions après deux ans de
travaux sous la forme d’un rapport prescriptif contenant
154 articles recouvrant les thèmes les plus
divers : l’emplacement et l’orientation des écoles,
l’aération, le chauffage, la ventilation, la propreté,
l’hygiène et la santé des élèves (vue, audition,
phonation, alimentation, sommeil, repos et travail),
construction et mobilier scolaires. [Hygiène
des écoles primaires et maternelles. Rapport
d’ensemble par le Dr Javel, Paris, Imprimerie
nationale, 1884.]
[voir
Annexes]
Une
circulaire du 23 juin 1896 avait prescrit aux
préfets, dans le but d’activer l’instruction des projets
de constructions scolaires, de soumettre ces projets à
une commission mixte comprenant des membres du Comité
départemental d’Hygiène et de
la
Commission
des Bâtiments civils. Mais la loi du
15 février 1902 relative à la protection de la
santé publique a supprimé les Comités d’hygiène et les a
remplacés par des Commissions sanitaires chargées
d’examiner les projets scolaires. Ce n’est qu’en cas de
désaccord avec l’autorité scolaire, et aussi pour les
constructions imposées d’office aux communes, que les
avis de ces commissions doivent être soumis au Conseil
départemental d’Hygiène. (Circulaire du
16 novembre 1903)
L’examen
des commissions sanitaires doit porter en particulier
sur la qualité de l’eau qui se trouve dans l’école. Il
est recommandé aux inspecteurs d’académie d’insister
pour que des renseignements précis leur soient toujours
fournis à ce sujet. Toutes les fois qu’ils le jugent
nécessaire, ils doivent faire procéder à une analyse de
l’eau. Il leur suffit d’en envoyer un échantillon au
laboratoire de la faculté des sciences la plus
rapprochée. Des instructions ont été données pour que
cette analyse soit faite gratuitement et aussi
rapidement que possible. (Circulaire du
4 janvier 1897)
Le décret de
1887
Les
dispositions de 1880 inspireront pour l’essentiel les
« instructions spéciales » accompagnant le
décret du 18 juillet 1887, véritable charte de
l’architecture scolaire, dont la plupart des articles
seront repris dans les instructions suivantes (1927 pour
les écoles maternelles, 1936 pour les écoles
élémentaires), et resteront en vigueur jusqu’en 1949.
École maternelle
[voir
Annexes]
École primaire
[voir
Annexes]
4. PETITE ILLUSTRATION DES LATRINES SCOLAIRES
L’inventaire
des écoles communales de Saône-et-Loire (1800-1940),
mis en ligne sur le site des Archives départementales,
ne fait pas apparaître des « lieux
d’aisances » à caractère monumental, tel que
l’on peut en observer annexés au « palais
scolaire » conçu en 1858 par l’architecte Emile
Amé, à Aillant-sur-Tholon (Yonne). Ne quittons pas
l’Yonne sans les souvenirs d’enfance de l’écrivain
Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye, telle qu’elle les
transpose dans « Claudine à l’école » :
à propos du nouveau groupe scolaire (1887), elle évoque
« les
water-closets » à six cabines, trois pour les
grandes, trois pour les petites (par une touchante et
pudique attention, les cabines des grandes ont des
portes pleines, celle des petites des demies
portes)… »

Aillant-sur-Thollon
En
Saône-et-Loire, bien conservés depuis le
19e siècle, les « lieux » de
l’école d’Épertully conçue sur le type de la villa
scolaire (architecte Badet, 1882), se distinguent par
leur exceptionnelle élégance. À
Saint-Gengoux-le-National, l’ancienne école de filles
(Boiret, 1890), on a poussé le raffinement jusqu’à
tailler dans la dalle polie de calcaire bleu à gryphées
l’empreinte des pieds pour indiquer le positionnement de
l’élève au-dessus de la fosse… Les latrines du
19e siècle ont généralement connu un
destin misérable (destruction, abandon) ou une
reconversion peu glorieuse (local à poubelles,
débarras) ; aussi faut-il signaler la reconversion
de celles de l’école des Sept-Écluses à Écuisses (Dulac,
1886) en vitrine de la production céramique locale au
19e siècle (établissements
Perrusson-Desfontaines).
Innombrables
sont les rapports d’inspecteur du
19e siècle signalant la défectuosité, la
malpropreté (et les odeurs infectes qui l’accompagnent),
voire l’absence de lieux d’aisances dans les écoles. La
construction des « lieux » n’allait pas de
soi, ces derniers étant bien souvent oubliés dans les
projets antérieurs aux instructions de 1858, voire au
règlement de 1880, et retournés à leur auteur par
l’administration. Même inclus dans les pièces techniques
et portés au devis, les « lieux » ne sont
d’ailleurs pas toujours achevés en même temps que
l’école, et passent dans les travaux supplémentaires,
exécutés grâce au rabais consenti lors de l’adjudication
des travaux ; les mœurs frustes de la campagne ne
s’offusquaient pas de voir les enfants se soulager en
plein air. Un comble : l’architecte Dulac déjà
cité, maire de Savianges et conseiller général, qui a
dressé les plans de l’école de sa commune en 1867, tarde
à exécuter la construction des précieux édicules :
un courrier de l’inspection académique le lui rappelle…
le 29 novembre 1880 ! Avec les égards dus
à son rang… « Le rapport
de M. l’Inspecteur primaire de Chalon dans la
visite qu’il a faite le 2 août dernier, signale le
manque de cabinets pour les enfants des deux sexes reçus
à cette école. Je ne doute point que l’honorable
M. Dulac, qui est le maire de la commune, fasse le
nécessaire pour remédier à cette fâcheuse
situation… » [Archives de S & L,
O 2094] Dans la commune voisine de Germagny, c’est
tout l’inverse, où l’on voit le ministre Victor Duruy
en personne signer sinon rédiger une note à l’intention
du préfet le 16 mai 1867, au sujet des
latrines de l’école en construction (Bosviel,
1867) : « Le plan
n’indique pas dans quel endroit seront placés les lieux
d’aisances destinés aux élèves et celui qu’il est
convenable d’établir pour l’usage particulier de
l’instituteur et sa famille. Je vous prie de faire
réparer ces omissions. » [Archives de
S & L, O 902]. Heureuse époque
pendant laquelle un ministre trouvait le temps d’avoir
d’aussi triviales préoccupations…

Écuisses, école des
Sept-Écluses
En
conclusion, on ne saurait mieux faire pour
la
Saône-et-Loire que citer le grand
théoricien de l’architecture scolaire du
19e siècle, le chalonnais Félix
Narjoux : « Les privés
sont un des points les plus importants à étudier dans
l’aménagement d’une école, car quelles que soient les
bonnes conditions que présente un établissement scolaire
dans ses autres parties, des privés défectueux avec la
malpropreté
et l’insalubrité qui en sont la conséquence,
peuvent, dans un temps donné, les rendre
inhabitables ; on ne saurait donc prendre trop de
précautions afin d’assurer le parfait et régulier
fonctionnement de ce service. » [Narjoux Félix,
1877, p. 93]
Recueil
de plans-modèles
BOUILLON A.
De la construction des écoles primaires, Hachette, 1834
[en ligne sur BNF-Gallica].
NARJOUX
Félix, Architecture communale, Morel, 1870,
3 volumes [en ligne sur BNF-Gallica] - NARJOUX
Félix, Les Écoles publiques en France et en Angleterre,
Morel, 1877 [en ligne sur BNF-Gallica] - NARJOUX Félix,
Écoles primaires et salles d’asile : construction
et installation, Morel et Delagrave,
1879.
POMPÉE
César, Plans-modèles pour la construction des maisons
d’école et des mairies, Dupont, 1871.
Ouvrages
généraux
BUISSON
Ferdinand (dir), Dictionnaire de pédagogie, Hachette,
1882-1893, article Maison d’école (rédigé par Félix
Narjoux ; notice par Ch. Blondel pour
l’édition de 1911.
DEMNARD
Dimitri, Dictionnaire d’histoire de l’enseignement,
Delarge, 1981, articles Constructions scolaires,
Architecture scolaire, Enseignement
mutuel.
GROSPERRIN
Bernard, Les petites écoles sous l’Ancien Régime,
Ouest-France, 1984.
LAINÉ
Michel, Les constructions scolaires en France, P.U.F.,
1996
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